Tous les poisons du monde. [Glebber]

Bien que j'ai la possibilité d'utiliser plusieurs échantillons que les membres de l'organisation amènent à mon père j'ai voulu être en mesure d'utiliser mes propres échantillons. C'est pour cela que je suis à la recherche de Pokémons de type Poison. Cela dit ils peuvent également se montrer utiles durant des chasses ou des missions. Même si je suis en mesure d'extraire du venin et de l'utiliser dans divers équipements il est toujours plus efficace lorsqu'il provient directement de la source. Et cela va également pour les échantillons bien qu'il y ait également mon honneur d'empoisonneuse qui me dicte de trouver mes propres sources.

C'est dans ce but que j'ai publié auprès de mes collègues de Abyss une liste des Pokémons qui retiennent mon intérêt. Ils sont libres de me prévenir lorsqu'ils trouvent un tel Pokémon ou si ils en ont à me remettre.

Et vraisemblablement il y a des rapports d'un Grotadmorv qui se déplace dans les plaines de Maïlys. Cette information m'a immédiatement intriguée car il est rare de voir cette espèce de Pokémon agir en solitaire. Habituellement ces Pokémons vivent en groupe là où la pollution est élevée afin de se nourrir et de pulluler. Un autre détail qui m'étonne est le fait que vraisemblablement ce Grotadmorv est particulièrement lent pour son espèce. La composition des Grotadmorv est déjà un domaine qui me fascine alors la perspective d'en rencontrer un plus particulier que le reste est emballante !

Étant donné que je pars à la rencontre d'un Pokémon toxique de nombreuses façons je m'équipe pour l'occasion avec des vêtements qui couvrent correctement ma peau en cas d'éclaboussures ou de tentatives de m'attaque. J'ai également parmi les équipements dans mon sac des gants jetables, une blouse ainsi qu'un masque pour me protéger des gaz toxiques du Pokémon que je vais traquer. Bien évidemment j'ai également avec moi l'équipement qui me permettra de prendre des échantillons immédiatement si le Pokémon est docile.

Je me déplace sur place après m'être renseignée sur l'endroit où le Grotadmorv a été vu pour la dernière fois. Étant donné la lenteur dont il fait preuve il ne doit pas être compliqué à débusquer mais l'environnement ne permet pas à Joro de déployer un piège de fils et même si cela est possible je doute que ses fils soient suffisamment solides pour retenir un Pokémon comme un Grotadmorv.

Ma traque commence et je remarque que l'herbe n'est pas aussi morte que ce que j'aurais pu imaginer. Habituellement l'herbe et les plantes sur lesquelles un Grotadmorv meurent et ne repoussent pas avant des années ou que la terre soit purifiée mais ici il semble que le Pokémon prenne soin de ne pas empoisonner le terrain excessivement durant ses déplacements ou que sa toxicité soit amoindrie pour une raison que j'ignore. Cependant ces efforts ou cette absence de toxicité ne sont pas suffisants pour couvrir les traces du gros corps du Pokémon et son odeur est suffisamment forte pour m'aider à le trouver sur les dernières dizaines de mètres.

Je vois le Grotadmorv et j'équipe immédiatement mon masque après avoir vérifié que son filtre soit bien neuf et fixé car je sais que si l'odeur est supportable à quelques mètres elle peut être en mesure de causer l'inconscience si elle est suffisamment puissante. C'est d'ailleurs l'une des capacités de ce Pokémon qui m'intéresse particulièrement ! Je m'approche lentement. La plaine est suffisamment large pour que j'effectue une retraite stratégique si le Grotadmorv se montre agressif mais afin d'éviter cela je fais connaître ma présence bien que ma voix soit couverte par mon masque.

« Eh ! T'es un sacré beau spécimen ! Est-ce que tu permets que je m'approche, que l'on fasse connaissance et que je t'étudie ? »

La Porte de Rodin avait été refermée, la brume maudite contenue, la créature des ténèbres bannie à nouveau... et Glebber regrettait de ne pas avoir participé à tout cela. Oh, il pouvait bien se justifier en disant qu'il avait été géographiquement à l'opposé des évènements et qu'il aurait de toute manière été trop lent pour traverser toute l'île et arriver à temps, mais ça aurait été de la mauvaise foi – et de toute manière, il ne reconnaissait jamais sa lenteur pourtant bien supérieure à la moyenne même pour un Grotadmorv. Alors quoi ? Que s'était-il passé dans sa tête ? Peut-être s'était-il dit que tout cela n'étaient que des affaires d'Humains, qu'ils avaient causé le problème et que ça leur incombait de le résoudre. Peut-être n'avait-il pas bien vu en quoi les Pokémons auraient dû les aider, alors que les Humains eux-mêmes n'avaient pas levé le petit doigt pour protéger sa tribu natale et l'avaient laissé s'éteindre, quitte même à penser que c'était une bonne chose. Peut-être enfin ne s'était-il pas encore senti prêt à combattre auprès de Dresseurs Pokémons, d'avoir l'impression de devoir leur obéir, de risquer à tout moment d'être capturé au prétexte d'un grand danger... Glebber avait toujours cette grande curiosité des Humains, mais son traumatisme était toujours là, comme une cicatrice impossible à effacer. Engourdi par une crainte irrationnelle, Glebber avait laissé les Dresseurs Pokémons de tout Maïlys gérer la situation sans leur prêter le moindre soutien. Et maintenant que tout était fini, il s'en voulait.

Alors il continuait à voyager. Libre et sauvage, oui, mais seul. Aurait-il dans un futur proche une nouvelle occasion d'accomplir quelque chose de grand, de se mettre au service de quelque chose qui dépassait le cadre de sa tribu natale, d'intégrer une association de forces multiples et complémentaires pour lutter dans un objectif commun ? Glebber était à présent comme en quête d'un sens à sa vie. Il avait besoin de se trouver un objectif.

MORIKO – Eh !

La voix extirpa soudainement Glebber de ses pensées vagabondes. Il se tourna pour voir un Humain pas bien grand, dans un uniforme d'un violet sombre ne laissant pas voir la moindre parcelle de sa peau, et dont même le visage était dissimulé sous un masque à gaz. A en juger par le timbre de la voix et par sa corpulence, l'Humain était sûrement une femme, peut-être très jeune –adolescente ou jeune adulte. Son uniforme et son masque à gaz laissait imaginer qu'elle n'était pas là par hasard : elle s'était équipée pour rencontrer un Pokémon au potentiel toxique. Cette rencontre était préméditée.

MORIKO – T'es un sacré beau spécimen !

Glebber prenait le compliment, mais ne put s'empêcher de se demander pourquoi cette Humaine commençait déjà à le flatter. Voulait-elle le capturer ? A cette simple pensée, le Grotadmorv eut un petit mouvement de recul.

MORIKO – Est-ce que tu permets que je m'approche, que l'on fasse connaissance et que je t'étudie ?

L'étudier ?
D'un côté, faire connaissance, Glebber était toujours partant. La solitude commençait à lui peser, et il n'avait rien perdu de sa curiosité à l'encontre des Humains. Mais qu'est-ce que son interlocutrice voulait-elle dire par « l'étudier » ?
Ne sachant toujours pas si cette jeune Humaine était là pour le capturer voire pour lui faire du mal, Glebber allait avoir besoin qu'elle montre d'abord patte blanche. Cela commençait par une chose : retirer cet équipement qu'elle portait et qui pouvait la protéger d'une réaction de défense de sa part. S'il devait s'exposer à elle, alors en retour l'Humaine devait accepter de s'exposer à lui. L'Humaine allait devoir mettre le Grotadmorv en confiance.

Glebber pointa donc son masque du doigt. N'étant pas sûr que son interlocutrice comprenne qu'il montrait spécifiquement le masque et non sa tête ou sa personne entière, il décrivit un mouvement circulaire avec le doigt. Puis il écarta les doigts et mima, sur son propre visage, le geste de retirer un masque.

GLEBBER – Si tu veux ma confiance, tu dois me montrer que je n'ai rien à craindre et que tu n'as aucune raison de craindre ma réaction.

Le Grotadmorv n'est pas agressif et je prend déjà cela telle une victoire ! Un Pokémon solitaire et surpris peut attaquer par réflexe et c'est pour cela que je porte mon équipement même si je pense que je peux fuir à toutes jambes et que ce Grotadmorv ne serait pas en mesure de me poursuivre. Mais même si il n'est pas agressif il semble tout de même méfiant. C'est normal ! Je suis humaine et si il connaît la tenue et l'équipement requis pour approcher des produits toxiques il doit avoir une idée de la raison de ma venue.

Et vraisemblablement ses gestes veulent dire quelque chose. Visage ? Mon masque ? Il veut que je retire mon masque ? Ça peut être dangereux. En ayant mis au préalable le masque je n'ai pas d'idées concrètes de la toxicité de ses effluves et même si son corps n'a pas brûlé l'herbe comme je m'y serais attendue je ne peux pas avoir de garantie que le gaz qui en émane ne me sera pas mortel. Bien évidemment il y a des Grotadmorv domestiqués capables de réduire ces émanations mais je ne peux pas partir du principe que la situation est sauve.

Je réfléchis en sentant le vent. A cette distance ça devrait être bon même si les effluves sont toxiques et si je pense qu'une chose ne va pas je pourrais battre en retraite immédiatement. Mais je tiens à ce que mes raisons soient reconnues.

« J'ai ce masque car je ne connais pas la toxicité de l'air qui t'entoure ou si tu es capable de la retenir. »

Il vaut mieux que je sois honnête sur mes raisons. Et je ne fais que suivre les procédures pour la manipulation de produits au potentiel toxique que je ne connais pas. Habituellement si je n'ai pas la garantie que l'air est respirable sans risques je ne dois pas retirer le masque. Il en va de même avec les gants pour la manipulation de produits et cela même si j'utilise des outils et je ne respecte déjà pas la procédure en n'ayant pas enfilé ma blouse avant d'entrer dans le périmètre du Grotadmorv. Mais mon père n'est pas là pour m'imposer ces règles.

« Mais à cette distance je peux le retirer. »

Et si je dois m'approcher je le ferais avec prudence et en faisant attention aux effets des effluves si celles-ci en ont. Je retire mon masque et l'odeur naturelle du Grotadmorv agresse de nouveau mon nez mais cela n'est pas un problème. En travaillant avec les extraits de Pokémons de type Poison de mon père j'ai appris que l'odeur n'est pas le pire qu'un Pokémon de ce type peut avoir.

« Ehe, c'est pas si mal. »

J'entends par là que la puanteur du Grotadmorv n'est pas aussi élevée que celle d'autres Pokémons de son espèce. Puanteur est un talent que cette espèce peut avoir et la différence est facile à sentir une fois que l'on s'approche. Mais même si ma supposition est correcte il peut toujours être toxique au toucher.

En tenant la lanière de mon masque entre mes doigts je m'approche en marchant tout en restant aux aguets des réactions du Grotadmorv.

« Je me présente et m'explique : je m'appelle Moriko et je suis d'une famille de spécialistes des poisons, venins, toxines, je pense que tu as l'idée mais compter sur les recherches et les échantillons de mon père n'est pas ce que je veux faire toute ma vie. Alors quand j'ai entendu parlé d'un Grotadmorv solitaire je suis directement venue ! Un Pokémon dont tout le corps est toxique ! Beaucoup de Pokémons se contentent d'inoculer des venins ou d'utiliser des acides ou des gaz ou même d'utiliser des substances toxiques transdermiques pour ne pas avoir besoin d'utiliser les méthodes précédentes mais ton espèce est capable d'utiliser l'entièreté de son corps et de ses capacités afin de produire des substances et des gaz toxiques ce qui en fait l'une des espèces de Pokémon de type Poison les plus fascinantes ! Certaines personnes peuvent dire que d'autres Pokémons comme les Miasmax sont supérieurs car ils peuvent modifier leurs poisons en changeant leur régime mais je pense personnellement que la simplicité et l'unicité du poison d'un Grotadmorv est ce qui permet à l'espèce de perdurer malgré les prévisions de certains scientifiques et même de s'adapter aux conditions que les humains leur ont imposés. Il y a aussi des personnes qui n'apprécient pas l'espèce en argumentant le manque de mobilité mais ces personnes n'ont jamais vu un Grotadmorv en action et vu que c'est cette forme amorphe qui fait la force de l'espèce en combat car elle leur permet de littéralement glisser hors de certaines attaques et de contre-attaquer dans des angles qui seraient improbables et impossibles pour d'autres espèces de Pokémon de type Poison. Et dès que l'on comprend que l'odeur de l'espèce est simplement due à l'activité de leur métabolisme et à la qualité de leur mode de vie on ne peut pas se permettre de se plaindre de cela non plus au contraire parfois cette odeur peut également se montrer un grand avantage lors d'un combat et peut avoir des utilisations fascinantes autant défensivement que offensivement !

C'est pour ça que je veux faire ta connaissance et t'étudier ! »

Après un petit instant de réflexion, comme si cette Humaine craignait autant du Grotadmorv que réciproquement, chacun se méfiant des intentions et réactions de l'autre, celle-ci consentit à retirer son masque, non sans avoir au préalable jaugé la direction et la force du vent. Glebber avait déjà compris que le masque servait à la protéger au cas où il déciderait de dégager des gaz toxiques, mais l'Humaine craignait peut-être aussi sa simple puanteur qui était à même de faire tourner de l'œil les Humains les plus fragiles. Ce n'était pas le trait le plus exacerbé chez Glebber, mais il restait un Grotadmorv et sa puanteur restait nocive pour les organes olfactifs.

MORIKO – J'ai ce masque car je ne connais pas la toxicité de l'air qui t'entoure ou si tu es capable de la retenir. Mais à cette distance je peux le retirer.

Certes. Glebber n'avait pas pour habitude d'intoxiquer à vue n'importe quel Humain qui ne lui avait rien fait. Cependant, puisqu'il restait méfiant, il voulait que cette Humaine montre patte blanche en s'exposant. Glebber voulait savoir que si les choses tournaient mal, il pourrait se défendre sans être à la merci de cette inconnue. Par ailleurs, retirer son masque était aussi une façon pour l'Humaine de montrer que ses intentions n'avaient aucune raison de déclencher une réaction hostile chez le Grotadmorv.

GLEBBER – Je contrôle ma toxicité.

Voilà donc désormais l'Humaine à visage découvert. Des cheveux violets mi-courts avec une épaisse frange droite encadraient ce visage jeune dont Glebber avait toujours du mal à déterminer si c'était celui d'une adolescente ou d'une jeune adulte. L'Humaine avait moins de vingt ans, c'était certain. Elle avait un regard empli de curiosité et d'enthousiasme, faisant penser à celui d'un enfant découvrant le monde avec émerveillement. Voyant cela, maintenant qu'elle ne portait plus son masque à gaz, Glebber avait du mal à lui trouver un air menaçant.

MORIKO – Ehe, c'est pas si mal.

Elle venait de froncer le nez juste avant, sans doute par anticipation de la puanteur du Grotadmorv, alors sa phrase voulait sans doute entendre qu'elle pensait pouvoir s'y faire. Glebber n'aimait pas qu'on lui rappelle trop gratuitement qu'il sentait mauvais. Le monde des odeurs était quelque chose d'assez opaque pour lui, mais s'il avait bien compris une chose depuis la naissance, c'est que les êtres pourvus d'un sens de l'odorat fonctionnel y accordaient une certaine importance, et les gens – Humains comme Pokémons – avaient tendance à être dérangés et à dévaluer tout ce qui sentait mauvais. C'était l'une des raisons pour lesquelles les Tadmorvs et Grotadmorvs étaient le sujet de mots déplaisants. Glebber savait très bien que souligner sa puanteur était une insulte – la plupart du temps. Et tout ce qui tendait à dévaloriser un Grotadmorv, le vexait indirectement.

MORIKO – Je me présente et m'explique : je m'appelle Moriko et je suis d'une famille de spécialistes des poisons, venins, toxines, je pense que tu as l'idée mais compter sur les recherches et les échantillons de mon père n'est pas ce que je veux faire toute ma vie.

Moriko, spécialiste des poisons, qui cherchait à s'émanciper de son père pour se livrer à ses propres études et travaux personnels en récoltant ses propres échantillons.
Glebber allait-il lui servir d'échantillon vivant ?...

MORIKO – Alors quand j'ai entendu parlé d'un Grotadmorv solitaire je suis directement venue ! Un Pokémon dont tout le corps est toxique ! Beaucoup de Pokémons se contentent d'inoculer des venins ou d'utiliser des acides ou des gaz ou même d'utiliser des substances toxiques transdermiques pour ne pas avoir besoin d'utiliser les méthodes précédentes, mais ton espèce est capable d'utiliser l'entièreté de son corps et de ses capacités afin de produire des substances et des gaz toxiques, ce qui en fait l'une des espèces de Pokémons de type Poison les plus fascinantes !

Whow ! Ainsi le premier compliment n'avait pas été pure flatterie, cette fille était vraiment sincère. Elle parlait avec le débit de quelqu'un d'excité par une découverte fascinante. Elle était manifestement emballée à l'idée de rencontrer un Grotadmorv, et elle s'était mise sur la piste de Glebber, avec succès – pourrait-on même dire, sans grande difficulté.

Bien sûr ces mots et cette sincérité gonflèrent la fierté de Grotadmorv. Ce n'était pas une fierté personnelle, un égo propre à lui, c'était une “fierté raciale”. Glebber était fier d'être un Grotadmorv et ferait tout pour défendre l'image de son espèce. Il était donc toujours des plus plaisants pour lui de rencontrer quelqu'un fasciné par les Grotadmorvs. Glebber avait grandi dans le dénigrement alors que son espèce disposait de nombreuses qualités. Comme le disait Moriko : si beaucoup manipulaient des poisons, les Grotadmorvs étaient des poisons. Ce n'était que l'une de leurs qualités. Glebber n'avait parfois par peur de dire que les Grotadmorvs étaient supérieurs aux autres espèces pokémons de type Poison ; c'était très prétentieux et lui-même ne savait pas s'il le pensait vraiment mais il se plaisait à le dire, en tout cas.

MORIKO – Certaines personnes peuvent dire que d'autres Pokémons comme les Miasmax sont supérieurs car ils peuvent modifier leurs poisons en changeant leur régime mais je pense personnellement que la simplicité et l'unicité du poison d'un Grotadmorv est ce qui permet à l'espèce de perdurer malgré les prévisions de certains scientifiques et même de s'adapter aux conditions que les humains leur ont imposés.

Glebber se renfrogna un peu. Les Miasmax, supérieurs aux Grotadmorvs ? Quelle imbécillité de penser cela ! Il comprenait bien que Moriko n'était pas de cette opinion mais le simple fait qu'elle y fît référence lui rappelait aussi les fois où il avait entendu des Humains dire qu'ils préféraient s'entourer d'un Smogogo plutôt que d'un Grotadmorv car, soi-disant, ses gaz étaient plus efficaces et sa présence n'était pas dérangeante en soi. Glebber n'avait pas grandi au bon endroit, plein de gens à travers Maïlys et même dans les autres régions appréciaient les Grotadmorvs ou simplement les traitaient comme les égaux des autres Pokémons et ne cherchaient pas à les comparer aux autres espèces de type Poison ; pas de chance, Glebber avait grandi là où sa propre espèce était perçue comme nuisible, immonde, sale, ne méritant que d'être nettoyée et effacée.

MORIKO – Il y a aussi des personnes qui n'apprécient pas l'espèce en argumentant le manque de mobilité, mais ces personnes n'ont jamais vu un Grotadmorv en action et vu que c'est cette forme amorphe qui fait la force de l'espèce en combat, car elle leur permet de littéralement glisser hors de certaines attaques et de contre-attaquer dans des angles qui seraient improbables et impossibles pour d'autres espèces de Pokémon de type Poison.

Moriko soulignaient là autre chose dont on se moquait souvent chez Glebber ou chez un Grotadmorv : sa lenteur. Glebber en particulier était particulièrement lent même pour un Grotadmorv, car encore plus gluant : son corps tendait à accrocher au sol lorsqu'il se déplaçait, ce qui le ralentissait forcément. Et il est vrai que bien souvent Glebber était incapable d'esquiver un projectile, sans avoir à user d'artifices telle la capacité Lilliput. Il était incapable de sauter, de bondir, de courir, et on pouvait donc à tort le penser sans défense, à la merci de n'importe quelle attaque. Les allusions à sa lenteur lui rappelaient également les confrontations entre sa tribu natale et des Dardargnans, des insectes au contraire très vifs qui se jouaient de la lenteur des Tadmorvs et des Grotadmorvs, ce qui leur permettait trop souvent de les dominer sans avoir à user de capacités pokémons offensives particulièrement efficaces sur le type Poison. Voilà encore dans quel contexte Glebber avait grandi et qui expliquait que toutes ces critiques touchaient une corde particulièrement sensible chez lui.

Entendre quelqu'un qui rejetait en bloc toutes ces critiques, lui fit un bien fou, autant que cela était inattendu.

MORIKO – Et dès que l'on comprend que l'odeur de l'espèce est simplement due à l'activité de leur métabolisme et à la qualité de leur mode de vie, on ne peut pas se permettre de se plaindre de cela non plus, au contraire parfois cette odeur peut également se montrer un grand avantage lors d'un combat et peut avoir des utilisations fascinantes autant défensivement que offensivement !

Entendre tout cela semblait bien trop beau pour être vrai. Glebber avait déjà rencontré des Humains qui avaient fait des efforts pour ne montrer aucun dégoût lié à son odeur de Grotadmorv. Il n'en avait jamais rencontré qui eussent trouvé un avantage à cette odeur.

MORIKO – C'est pour ça que je veux faire ta connaissance et t'étudier !

Une inconnue débarquait comme ça pour déballer sa fascination pour les Grotadmorvs en les couvrant d'observations élogieuses. Glebber ne s'était jamais préparé à réagir à un tel événement. Pour ainsi dire, il se trouvait presque pris au dépourvu. Son regard se faisait incrédule, la bouche entrouverte comme prête à articuler des mots sauf qu'aucun de bien cohérent n'arrivait à être formé par son esprit.

Un ange passa puis Glebber réussi enfin à dire :

GLEBBER – C'est la première fois que quelqu'un me dit tout ça. Surtout un Humain.

Avec de telles éloges, comment pouvait-il refuser de se prêter au jeu et de laisser cette Humaine l'étudier ?

GLEBBER – Tu... Tu peux approcher si tu veux.

Etre exposé comme une bête de foire l'aurait dérangé ; mais être observé de prêt par quelqu'un de sincèrement fasciné par son espèce, ça lui plaisait bien. D'un geste de la main, il fit signe à Moriko qu'elle pouvait approcher.

Est-ce que j'ai perdu le Grotadmorv durant ma tirage ? Cela arrive un petit peu trop souvent à mon goût dès que je commence à parler de ma passion pour les poisons mais c'est simplement parce qu'il y a tant à dire et je fais déjà des efforts pour rester concise et éviter au mieux les termes techniques qui pourraient ennuyer des personnes qui ne sont pas dans le domaine des produits toxiques ou de la chimie. Moi-même j'ai eu du mal à m'intéresser à la partie chimique des poisons mais j'ai appris rapidement qu'il s'agit d'une partie primordiale du métier afin d'utiliser au mieux les bons poisons au bon moment.

Le Grotadmorv reprend la parole et même si je ne comprend rien à ce qu'il dit je comprend le message du geste. Je suis contente de pas avoir à battre en retraite ou à ce que Joro ait à se battre contre lui. Même si j'aurais certainement décidé de seulement m'en aller si le Grotadmorv avait refusé ma demande. Il y a d'autres Grotadmorv dans le monde et même si avoir raté une opportunité m'aurait attristé je ne me serais pas laissée abattre aussi facilement.

Je m'approche toute sourire mais je m'arrête à environ un mètre du Grotadmorv car même si son geste ressemblait à une autorisation de m'avancer je n'ai pas expressément eu la permission de le toucher ou de commencer mon échantillonnage. A cette distance je peux cependant avoir une meilleure vue sur la surface du Grotadmorv et une idée vraisemblable de son Talent.

« L'une des choses qui m'intéresse le plus est ton mucus ! C'est une partie intéressante car c'est ce qui permet normalement aux Pokémons comme toi de se déplacer sur différentes surface sans se blesser mais les Grotadmorv sont également capables de l'utiliser comme vecteur pour leur poison. Je ne sais pas si tu es au fait des classifications humaines mais nous catégorisons les Grotadmorv avec le mucus le plus toxique comme ayant le talent Toxitouche. Mais en voyant que l'herbe n'est pas complètement brûlée autour de toi et que ton mucus a l'air plutôt épais je pense avoir une idée d'à quoi m'attendre mais j'aimerais être sûre d'avoir l'autorisation de prendre des échantillons. Je vais te montrer les outils et t'expliquer comme je compte procéder ! »

Je pose mon sac à côté de moi et pose deux boîtes. L'une est plus grande que l'autre mais c'est avec la seconde que je commence mes explications.

« Je vais d'abord porter des gants. Ils servent autant à me protéger les doigts que à protéger l'échantillon car je ne voudrais pas l'altérer en le touchant directement. Et c'est également pour cela que j'ai avec moi cette seconde boîte. Dedans se trouve des écouvillons. Ce sont des petits bâtonnets stériles avec à leur bout de quoi absorber du mucus facilement et sans altérer l'échantillon. Idéalement j'aimerais pouvoir prendre des échantillons provenant du dos, de la bouche et peut-être des bras pour être en mesure de voir la différence une fois que je serai rentrée à la maison pour examiner les échantillons. Je suis également curieuse de pouvoir mesurer la différence entre le mucus passif et lorsque tu utilises ton poison. C'est aussi pour cela que les gants, le masque et la blouse que j'ai dans mon sac sont importants. Je ne compte pas prendre plus car je n'ai malheureusement pas l'équipement pour prendre des échantillons d'air ou pour stocker le résultat d'une capacité. »

J'aimerais pouvoir prendre des échantillons plus avancés mais je ne suis pas sûre que ce Grotadmorv apprécie que je brandisse une seringue afin d'extraire le poison sous la surface de son corps.

« J'ai aussi d'autres questions mais il faut que je sois sûre de les formuler pour que tu puisses répondre par oui ou non ou un geste assez parlant car je n'ai aucune idée de ce que tu peux dire, ehehe. »

Les Humains ne comprenaient pas le langage pokémon, Glebber le savait très bien et c'est justement pourquoi il accompagnait ses paroles de gestes. Répondre oralement était un réflexe, or si Moriko avait eu un Pokémon Psy pour lui traduire ses paroles par télépathie, elle l'aurait sans doute déjà appelé à la tâche. Moriko s'approcha de Glebber et s'arrêta à un petit mètre de lui. Elle se mit à l'observer de plus près et Glebber lui sourit un peu niaisement, encore charmé par tous les compliments que son interlocutrice venait de formuler au sujet de son espèce.

MORIKO – L'une des choses qui m'intéresse le plus est ton mucus ! C'est une partie intéressante car c'est ce qui permet normalement aux Pokémons comme toi de se déplacer sur différentes surfaces sans se blesser, mais les Grotadmorvs sont également capables de l'utiliser comme vecteur pour leur poison.

Le sourire de Glebber se changea en expression interrogative. Moriko parlait comme si les Grotadmorvs sécrétaient un mucus par-dessus leur peau, comme les Mucuscule ou les Sancokis par exemple, en somme comme des gastéropodes. Pour une personne fascinée par cette espèce et spécialisée dans les poisons, il était étonnant une telle pensée ; mais peut-être par “mucus” désignait-elle en fait le fluide qui composait l'intégralité du corps du Grotadmorv. En effet, les Humains n'étaient pas toujours d'accord sur le bon mot à utiliser pour décrire cette substance. Certains parlaient de “boue”, et même si des Tadmorvs naissaient spontanément de rejets de boues toxiques près des usines polluantes, leur substance corporelle était bien loin d'être de la simple boue : elle était plus épaisse et bien plus gluante. Certains parlaient de “mélasse”, ce qui était déjà un peu plus parlant quant à leur texture. Mais finalement le mot “mucus” était pas mal non plus, et il faisait un lien avec l'étymologie du nom de l'espèce, “Tadmorv” et “Grotadmorv”.

MORIKO – Je ne sais pas si tu es au fait des classifications humaines, mais nous catégorisons les Grotadmorvs avec le mucus le plus toxique comme ayant le talent Toxitouche. Mais en voyant que l'herbe n'est pas complètement brûlée autour de toi et que ton mucus a l'air plutôt épais, je pense avoir une idée d'à quoi m'attendre, mais j'aimerais être sûre d'avoir l'autorisation de prendre des échantillons. Je vais te montrer les outils et t'expliquer comme je compte procéder !

Non, Glebber n'était pas au fait des classifications humaines, et sans doute qu'il aurait déjà oublié les brèves explications de Moriko d'ici un mois. Il ne savait même pas que les Humains classaient les Grotadmorvs selon le type de leur mucus. Certes, Glebber avait déjà pu observer dans sa tribu que certains de ses congénères avaient un corps plus toxique que d'autres, certains semblaient étourdir plus facilement les autres Pokémons avec leur simple odeur, d'autres comme Glebber lui-même étaient particulièrement gluants et adhéraient – volontairement ou non – aux objets et parois au moindre contact. Ainsi donc les Humains s'amusaient à déterminer quelle propriété était la plus exacerbée chez chaque individu ? Et à quoi cela servait-il, puisque de toute façon ces caractéristiques étaient communes à tous les Grotadmorv et que ce n'était question que de degrés d'importance ?

Il allait être difficile pour Glebber de poser ces questions, ou du moins de les faire comprendre à Moriko. En attendant, il la regarda sortir ses outils de son sac, en commençant par deux boîtes dont l'une était plus petite que l'autre.

MORIKO – Je vais d'abord porter des gants. Ils servent autant à me protéger les doigts que à protéger l'échantillon car je ne voudrais pas l'altérer en le touchant directement. Et c'est également pour cela que j'ai avec moi cette seconde boîte. Dedans se trouvent des écouvillons. Ce sont des petits bâtonnets stériles avec à leur bout de quoi absorber du mucus facilement et sans altérer l'échantillon. Idéalement j'aimerais pouvoir prendre des échantillons provenant du dos, de la bouche et peut-être des bras pour être en mesure de voir la différence une fois que je serai rentrée à la maison pour examiner les échantillons.

C'était bien la première fois que Glebber s'apprêtait à laisser un Humain prélever de son fluide corporel à fins d'études scientifiques. Dans son attitude, Moriko savait montrer patte blanche et le mettre en confiance malgré son traumatisme. En sentant son espèce à ce point valorisée, et surtout en sentant la sincérité dans l'engouement de son interlocutrice Humaine, Glebber réussissait à outrepasser son traumatisme, et écoutait les instructions avec curiosité, et même une certaine fierté.

MORIKO – Je suis également curieuse de pouvoir mesurer la différence entre le mucus passif et lorsque tu utilises ton poison.

Ainsi donc Glebber allait avoir à jouer le jeu et pas simplement laisser Moriko récupérer des gouttes de sa mélasse corporelle. Il hocha la tête pour montrer qu'il comprenait bien les instructions de Moriko et qu'il était prêt à faire ce qu'elle lui dirait de faire. C'était la première fois qu'il rencontrait quelqu'un d'aussi fasciné par les Grotadmorvs, et il était simplement heureux de vivre ce moment inespéré.

MORIKO – J'ai aussi d'autres questions, mais il faut que je sois sûre de les formuler pour que tu puisses répondre par oui ou non ou un geste assez parlant car je n'ai aucune idée de ce que tu peux dire, ehehe.
GLEBBER – Pas de soucis.

Il hocha la tête pour confirmer son consentement.

GLEBBER – Si la réponse doit être autre que “oui” ou “non”, il faudra que tu me dises quel geste faire selon les réponses possibles.

Pas évident de faire comprendre cette dernière phrase par des signes, alors tant pis. Glebber reporta son attention sur les boîtes à écouvillons.

Je ne compte prendre que des échantillons de la surface du corps de ce Grotadmorv car je ne pense pas qu'il apprécierait que j'essaie de lui couper un morceau et de toutes façons la surface est ce que est en contact avec l'air et les victimes du poison des Grotadmorv. Comme beaucoup de produits son corps doit posséder des différences entre la surface ou le mucus comme je l'appelle cette fois et l'intérieur du corps du Grotadmorv. L'extérieur réagit probablement avec l'air, la terre et les germes qui se trouvent partout à l'extérieur et il est probable que ces facteurs créés une pellicule à la surface du corps des Grotadmorv si leur forme ne change pas constamment. Mes connaissances ne sont que théoriques et c'est pour cela que j'ai envie d'expérimenter et d'apprendre moi-même.

Le Grotadmorv semble comprendre ce que je lui dis et être ouvert à l'idée des échantillons. Je ne peux pas avoir une meilleure réponse ! J'enfile immédiatement mes gants. Tant que je prend des échantillons similaires je n'ai pas de raisons d'en changer mais il faut que je pense à le faire lorsque je commencerai à prendre des échantillons du poison en lui-même. Étant donné que ce Grotadmorv contrôle sa toxicité et m'a l'air de confiance je n'enfile pas tout de suite ma blouse. Je le ferai lorsque je prendrai les échantillons toxiques au cas où je fasse un mauvais geste qui projette une partie de l'échantillon.

« Je me demande donc pourquoi un Grotadmorv est si loin d'un dépôt et seul. Tu voyages ? Tu as perdu ta colonie ? »

Je laisse un temps passer entre deux de mes questions. C'est un effort de ma part de ne pas déblatérer et j'ai également fait attention à ce que mes questions soient suffisamment fermées pour que le Grotadmorv puisse répondre facilement.

J'ouvre un des paquets d'écouvillons et j'en sors le bâtonnet. Je réfléchis un instant et décide de par où je vais commencer. Bien que je sois intéressée par la différence entre l'intérieur de la gueule et la surface du corps je décide de commencer par cette dernière

« Je vais donc commencer par ton dos. »

Je préfère le prévenir plutôt que de prendre le risque qu'il soit surpris. Je me déplace donc dans son dos et après m'être mise à genoux pour ne pas avoir à me pencher je débute mon échantillonnage en faisant glisser l'écouvillon sur une courte distance sur le dos du Grotadmorv. Je remarque immédiatement la texture et petite résistance due à l'épaisseur de ce que j'extraie mais je parviens à en obtenir suffisamment pour remettre l'écouvillon dans le tube à échantillon.

« Une chose que je peux constater immédiatement c'est que ta substance a l'air particulièrement gluante et je me demande si elle va perdre ses propriétés maintenant qu'elle n'est plus liée à ton corps. Est-ce que tu veux que l'on passe immédiatement à un échantillon où tu utilises ta toxicité ou est-ce que tu préfères que je prenne un échantillon de l'intérieur de ta bouche avant ? Son apparence est différente du reste de ton corps et je me demande s'il y a d'autres différences. »

Avant d'attraper un écouvillon, ces fameuses petites tiges qui rendaient Glebber si curieux, Moriko enfila des gants. Décidemment, elle tenait quand même à une certaine précaution. Et encore, elle n'avait pas remis son masque à gaz. Les réactions de Glebber dépendraient d'elle ; pour l'instant, elle faisait tout pour que le Grotadmorv se tînt tranquille, et si elle continuait comme ça, il n'y avait aucune raison pour que Glebber devienne tout à coup agressif.

MORIKO – Je me demande donc pourquoi un Grotadmorv est si loin d'un dépôt et seul. Tu voyages ?

Glebber n'avait pas fini d'étonner. Il hocha une première fois la tête pour confirmer qu'en effet, il voyageait. Un peu partout sur le continent. Son espèce était connue pour apprécier les espaces urbains, et plus particulièrement les espaces industriels et pollués, et pourtant Glebber s'était déjà promené en pleine forêt verdoyante, ou comme à présent sur de vastes étendues herbeuses, là où personne ne s'attendrait à trouver un Grotadmorv.

MORIKO – Tu as perdu ta colonie ?

Cette question était corollaire, et même s'il était difficile d'y répondre sans entrer dans quelques détails, Glebber se contenta de hocher la tête une seconde fois de façon affirmative, pour faire simple.

GLEBBER – Ca s'est mal passé avec les Humains.

Elle n'allait pas comprendre sa phrase mais tant pis. Moriko avait jusqu'à présent fait tout ce qu'il fallait pour s'attirer, non pas la confiance, mais l'amicalité de Glebber. Le jour où il ferait entièrement confiance à un Humain n'était pas encore venu ; mais depuis qu'il voyageait seul, il avait déjà pu faire plusieurs rencontres d'Humains qui avaient mérité son estime et sa sympathie. Quelque part au fond de lui, Glebber avait envie de pouvoir faire confiance en un Humain, mais quelque chose le bloquait toujours.

Enfin Moriko sortit un écouvillon de la boîte et observa le corps du Grotadmorv pour déterminer par où commencer. Glebber était captivé par le petit objet que tenait l'Humaine et appréhendait un petit peu le moment du prélèvement.

MORIKO – Je vais donc commencer par ton dos.

C'était délicat de sa part de le prévenir. Glebber ne bougea pas, pour se laisser faire. Moriko s'agenouilla derrière lui et il tourna légèrement la tête pour essayer de voir ce qu'elle faisait, en vain. S'il tournait trop la tête, il risquait de la gêner.
Il sentit enfin le glissement du bâtonnet sur son dos. Sa substance corporelle accrocha aussitôt d'elle-même à l'écouvillon. Epaisse et gluante, elle retint même un peu l'objet, opposant un peu de résistance quand Moriko voulut le retirer.

Pour Glebber, la sensation fut très bizarre. Il sentait son corps accrocher malgré lui à ce si petit objet, et même Moriko fut bien obligée de le remarquer :

MORIKO – Une chose que je peux constater immédiatement c'est que ta substance a l'air particulièrement gluante et je me demande si elle va perdre ses propriétés maintenant qu'elle n'est plus liée à ton corps.

Ce ne serait pas immédiat, mais au fil des jours, c'est en effet ce qui se produirait. Les Tadmorvs et les Grotadmorvs laissaient par moments des gouttes ou des traces de leur mélasse corporelle dans leur sillage, ou simplement en s'agitant comme par exemple à l'occasion d'un combat. Ces traces finissaient par disparaître avec plus ou moins de ténacité, elles perdaient donc à terme certaines de leurs propriétés. Néanmoins Glebber n'était pas un scientifique, et tout comme un Humain ne sait pas tout de son propre organisme, il n'avait pas lui-même les réponses à toutes les questions que Moriko pouvait se poser sur son corps et sur sa matière.

MORIKO – Est-ce que tu veux que l'on passe immédiatement à un échantillon où tu utilises ta toxicité, ou est-ce que tu préfères que je prenne un échantillon de l'intérieur de ta bouche avant ? Son apparence est différente du reste de ton corps et je me demande s'il y a d'autres différences.

Glebber se reconcentra sur la sensation du passage de l'écouvillon sur son dos. C'était vraiment bizarre mais presque agréable, en fait. Le Grotadmorv en vint même à se trémousser un instant, curieux que Moriko recommence. Puis il pointa du doigt l'intérieur de sa propre bouche pour répondre à Moriko. Il valait mieux attendre le dernier moment avant de déclencher un certain degré de toxicité.

Ce Grotadmorv voyage et j'ai l'impression d'avoir touché juste en parlant du fait qu'il a perdu sa colonie. Mais pour l'instant je ne peux que imaginer pourquoi il aurait perdu ses frères et sœurs. C'est fréquent que les Grotadmorvs aient des guerres de territoire avec par exemple des Miasmax mais ils pouvaient aussi avoir été chassés par des humains qui ne voulaient pas de leur espèce dans leurs rues. C'est une chose que je ne comprend pas car bien que les Grotadmorvs peuvent avoir des effets néfastes sur certains environnements ils apportent aussi beaucoup de bénéfices dans un environnement urbain.

Je range ce premier échantillon et je regarde la réponse du Grotadmorv. Il a l'air de se prendre au jeu et ça me fait plaisir car je ne voudrais pas qu'il prenne cette interaction comme une corvée ou quelque chose de désagréable.

Alors maintenant qu'il a décidé de ce qu'il préfère je sors un nouvel écouvillon de son emballage et je me place devant le Grotadmorv. J'appréhende un instant les accidents mais ce n'est pas en ayant peur que je pourrais prendre mes échantillons et améliorer ma compréhension des poisons provenant de Pokémons.

« Du coup je vais faire le prélèvement sur la partie inférieure de la bouche. Si ça te dérange tu n'auras qu'à me faire un signe et j'arrêterai. »

Je sais bien que ce qui ressemble à une langue, des joues et un palet n'a peut-être pas la même sensibilité que l'intérieur de la bouche d'un être humain ou d'un Pokémon mais je préfère éviter les surprises. Alors je fais attention à ce que mes mouvements ne soient pas trop brusque lorsque je glisse l'écouvillon sur cette surface. Je ressens un petit peu moins de résistance que sur le dos et je ne peux qu'essayer d'imaginer pourquoi mais j'aurai certainement ma réponse lorsque je serai de retour à la maison pour analyser les échantillons.

Comme pour le dos l'échantillonnage est rapide et je peux ranger le bâtonnet dans son fourreau.

« A présent il ne me reste plus qu'à échantillonner ta substance lorsque tu ne retiens pas ta toxicité. Si tu me permets j'aimerai pouvoir porter au moins ma blouse au cas où je fasse des erreurs. »

Il a voulu que je retire mon masque alors je ne suis pas certaine qu'il accepte que j'enfile un autre équipement de protection mais c'est pour cela que je lui demande avant de le faire. Je ne voudrais pas qu'il croit que j'essaie de revenir sur la confiance que je lui ais porté.

MORIKO – Du coup je vais faire le prélèvement sur la partie inférieure de la bouche. Si ça te dérange tu n'auras qu'à me faire un signe et j'arrêterai.

Glebber valida d'un signe de tête, et ouvrit la bouche en grand, étirant le filet gluant qui reliait ses lèvres. Il n'avait pas d'haleine particulière, ce qui n'avait rien d'étonnant puisqu'il n'avait pas d'organe, pas de muqueuses, pas de salive, pas de dents, son corps entier était constitué de cette sorte de boue-mélasse gluante qui dégageait déjà une odeur nauséabonde. En somme, l'intérieur de sa bouche avait la même puanteur que le reste de son corps, finalement, contrairement à l'haleine d'un mammifère par exemple.

Pourtant, il avait bien une sorte de langue. Puisque cette partie de son corps possédait une couleur plus rosâtre, cela pouvait en effet faire penser à un véritable organe. Glebber lui-même ignorait en fait pourquoi son espèce avait la langue d'une couleur différente du reste du corps. Ca avait peut-être un lien avec le fait que le fluide dans sa bouche concentrait des propriétés plus acides lui permettant de dissoudre et d'assimiler de la nourriture malgré l'absence de dents et de salive. Peut-être justement que les recherches de Moriko, à l'aide des échantillons qu'elle était en train de prélever, apporteraient des éclaircissements à ce sujet.

Comme pour confirmer que quelque chose à l'intérieur de sa bouche était différent, la mélasse corporelle du Grotadmorv accrochait un petit peu moins à l'écouvillon que quand Moriko l'avait passé sur son dos. La sensation n'en était pas moins bizarre et Glebber ressentit presque une sorte de chatouille. Il se trémoussa encore une fois. Mais ça avait été un peu plus agréable sur le dos, tout de même, car ça avait presque eu un effet massant, et non de chatouille.

MORIKO – A présent il ne me reste plus qu'à échantillonner ta substance lorsque tu ne retiens pas ta toxicité. Si tu me permets, j'aimerais pouvoir porter au moins ma blouse au cas où je fasse des erreurs.

C'est vrai que Glebber lui avait demandé de retirer son masque à gaz, comme gage de confiance. Maintenant qu'il comprenait mieux ce que Moriko lui voulait, et que ce n'était pas désagréable – si bien que contre toute attente il se prêtait au jeu malgré sa défiance des Humains – il acceptait sans problème que la scientifique enfile sa blouse pour éviter de s'intoxiquer sur un faux mouvement. Il hocha donc la tête pour signifier son accord.

Mais avant que Moriko n'eût commencé ce nouveau prélèvement, et alors que Glebber n'avait pas encore débridé la toxicité de son corps, le bruit d'un battement d'aile attira leur attention. C'était une Efflèche qui venait droit vers eux, les regardant d'un air hautain.

Efflèche – Diantre, que vois-je ! Eurk !

Elle se percha au sommet d'un rocher à quelques mètres de Moriko et de Glebber.

Efflèche – Tu n'as rien à faire là, Grotadmorv ! Tu souilles ces terres, et rien que ta vue m'est disgracieuse. Et que dire de ton odeur, tu importunes tout le monde ici ! Fais comprendre à ta Dresseuse qu'elle doit te faire rentrer dans ta pokeball, pour le bien de tous les Pokémons qui vivent ici.

Glebber avait réussi à se détendre avec Moriko, et voilà que cette Efflèche venait soudainement l'insulter. Certes, dans le fond, elle avait en partie raison, et son attitude pouvait se comprendre : un Grotadmorv ne pouvait être perçu que comme une menace dans un endroit verdoyant comme celui-ci. Mais ce langage ampoulé et cet air hautain le crispaient déjà, et rien ne justifiait d'en venir à des propos vexants.

GLEBBER – Je ne fais de mal à personne ici, alors va embêter quelqu'un d'autre ! Et ce n'est même pas ma Dresseuse, je n'appartiens à personne.
Efflèche – Ha ! Qu'est-ce à dire ? Que tu t'es déplacé tout seul jusqu'ici ? Sans personne, et sans raison ?
GLEBBER – Mes raisons ne te regardent pas, et je vais où je veux sans avoir à me justifier. Alors à moins que tu veuilles te battre, va-t'en insulter quelqu'un d'autre, fiche-nous la paix !
Efflèche – Que nenni, je n'en ferai rien ! Si je me dois de te faire partir par moi-même, alors soit, bien que j'aurais préféré ne pas avoir à salir mon si beau plumage.

Je suis contente que ce Grotadmorv accepte que je m'équipe correctement pour mes prélèvements ! Je vais toujours laisser mon masque de côté mais je peux enfiler ma blouse et changer mes gants pour être en mesure d'effectuer mon nouveau prélèvement en toute sécurité. Je me demande bien à quel point le mucus du Grotadmorv peut changer lorsqu'il utilise pleinement sa toxicité ! Mais je sais déjà que je vais devoir me montrer extrêmement prudente pour ne pas m'empoisonner par mégarde. Comme c'est excitant !

Mais mon excitation est vite coupée lorsque j'entends les piaillements d'un Pokémon oiseau non loin. Il a l'air en colère contre le Grotadmorv mais surtout il le distrait ! Et il n'a pas l'air de vouloir lâcher l'affaire.

« M'sieur ou madame l'Efflèche, vous êtes embêtant et nous avons des affaires à faire ici. »

Je l'avertie mais je permet quand même à Joro de sortir de sa Poké-Ball. Il est d'abord intrigué par l'odeur du Grotadmorv mais remarque rapidement l'Efflèche bruyante. Quant à moi je fouille dans mon sac de nouveau. Je trouve une poche en cuir à l'intérieur et en sort une petite dague de lancer en laissant le reste à l'intérieur de la poche. Je n'ai peut-être pas mon arc avec moi et je ne suis pas venue ouvertement armée mais je ne peux quand même pas prendre le risque d'être complètement dépourvue de protection.

« Vue votre espèce vous devez connaître l'efficacité d'un couteau bien lancé et cela même s'il  n'est pas empoisonné. Et posé ou en vol, vous allez devoir vous approcher ou vous arrêter pour lancer l'une de vos plumes si vous décidez à attaquer. Et si vous parvenez à toucher l'un de nous le reste aura tout le loisir de vous attaquer en retour. Alors je vous demande de nous laisser tranquille. Pour votre propre bien. Okay ?  »

Ce sont des menaces car je ne voudrais pas perdre l'opportunité que représente ce Grotadmorv à cause d'une Efflèche qui n'apprécie pas la présence d'un Pokémon plus exceptionnel qu'elle. Mais si elle ne disparaît pas immédiatement j'espère qu'elle fait attention à ses pattes car Joro a l'air déjà décidé de les nouer avec sa Sécretion.

MORIKO – M'sieur ou madame l'Efflèche, vous êtes embêtant et nous avons des affaires à faire ici.

De son œil d'Humaine, Moriko ne savait pas déterminer si l'Efflèche était un mâle ou une femelle, ce qui était beaucoup plus instinctif pour Glebber bien que leurs espèces respectives fussent extrêmement différentes.
La piaf hautaine leva un œil sur Moriko qu'elle sembla juger un instant. Il semblait déjà évident qu'il en faudrait plus pour la faire partir d'ici, ce que Moriko dut comprendre puisqu'elle lança une pokeball qui fit apparaître un jeune Mimigal. Ce dernier, d'abord intrigué par l'odeur du Grotadmorv à côté de lui, se focalisa bien vite sur la fauteuse de trouble.

Glebber était curieux de voir comment Moriko allait gérer la situation, et il pensa qu'un combat en bonne et due forme allait s'engager... au risque pour l'Efflèche de « salir son si beau plumage ». La chouette tapait déjà sur le système de Glebber et s'était permise de tenir des propos vexants – qu'elle n'était ni la première ni la dernière à prononcer à l'égard du Grotadmorv – et il ne voyait pas de problème à un combat à deux contre une pour lui clouer le bec. Seulement, à sa grande stupeur, Moriko fit un geste montrant qu'elle était prête à aller plus loin : elle fouilla dans son sac et en sortit une dague de jet.

Les Humains n'avaient pas les capacités des Pokémons pour se battre avec des dégâts réversibles. C'est ainsi que même en couvrant l'adversaire de flammes intenses, en l'empoisonnant, en le congelant, en lui fracassant d'énormes rochers sur la tête, ou en l'électrocutant à pleine puissance, les Pokémons n'allaient jamais que jusqu'au K.O., sans provoquer la mort, et pouvaient avoir cette non-létalité même en attaquant des Humains. Ces capacités pokémons, si particulières, émettaient en fait une énergie qui entrait en résonnance avec le type des Pokémons, ce qui expliquaient que les Pokémons étaient plus ou moins sensibles aux capacités de certains types. Tout cela n'existait pas chez les Humains. Ils n'attaquaient pas avec une énergie pokémon. Qu'un Humain cherche délibérément à blesser un Pokémon était ignoble.

Glebber fut donc choqué de voir Moriko sortir cette dague de jet. Même l'Efflèche battit des ailes de travers l'espace d'un instant. Moriko était-elle prête à commettre l'impardonnable ? Etait-elle comme tous ces Humains que Glebber avaient fréquentés durant son enfance à Mégapagopolis et qui n'avaient que peu d'estime pour la santé et la fierté des Pokémons ?

Jusque là, Moriko avait tout bien fait pour conquérir la confiance de Glebber. En un geste, elle venait de trahir cette confiance.

Glebber l'accusa du regard. Il tendit le bras, saisit Moriko par le poignet et la força à baisser la main qui tenait la dague. Yeux dans les yeux, il lui ordonnait muettement de ne pas utiliser son arme, voire au mieux de la ranger. Il se détourna d'elle, et son attitude montrait plus que de la désapprobation. Lui qui avait été traumatisé par les Humains, il ne lui en fallait pas tant pour attiser sa défiance. Moriko venait de commettre une énorme erreur.

Efflèche – Alors, allez-vous décider de combattre tous les deux pour obtenir le droit de souiller ces terres et ses habitants ?
GLEBBER – La ferme, toi.

Glebber demanda au Mimigal, comme s'il espérait sans en avoir conscience d'être rassuré :

GLEBBER – Pourquoi elle a sorti cette dague, ta Dresseuse ?

La réaction de l'Efflèche est satisfaisant et je ne peux pas retenir un rictus. Elle a peur de ma dague ? Elle a raison. Mon expertise est dans l'archerie mais j'ai quand même appris à utiliser d'autres armes pour assurer ma défense. Ou simplement combattre lorsque je n'ai pas le temps d'utiliser mon arc à poulies. Il est bien pour tirer une flèche mais après ça il prend beaucoup trop de temps ! Avec les couteaux je n'ai pas ce problème.

Mais je ne suis pas en mesure de poursuivre mon intimidation car le Grotadmorv me saisit le bras et me force à baisser mon arme. Alors je fais la moue à cela et en entendant l'Efflèche reprendre de l'aplomb.

« Intimidation. » Répond Joro au Grotadmorv avant que je ne prenne la parole à mon tour.

« Pourquoi les gens ont toujours aussi peur lorsque je brandis une arme ? Je suppose que je suis trop bonne en intimidation pour mon propre bien mais il faudrait faire confiance à mon expertise ! Je sais viser et je ne suis pas une meurtrière. Au maximum je lui aurais fait peur en l'égratignant ou en faisant siffler le couteau trop proche de lui. Elle ? J'en sais rien à part que tu as des couilles pour ne pas avoir volé à tir d'ailes immédiatement, ehehe. »

Et ce n'est pas avec ma force que je ferais des dégâts signifiants ! Mais une égratignure est habituellement suffisante pour que le poison fasse son effet. Je soupire en regardant la dague entre mes doigts.

« Mais je suppose que vu que mon intimidation a trop bien marché et contre le mauvais Pokémon on doit faire autre chose, hm ? Mais maintenant que j'ai sorti ce couteau j'ai envie d'en lancer. Du coup j'ai une idée ! On pourrait régler ça avec un concours de lancer ! ~ Joro pourrait placer une toile sur un arbre pour faire la cible et l'on lancerait mes couteaux et tes plumes et on verrait qui fait le meilleur score ! Et les perdants dégagent. ~ C'est mieux que de finir couverts de bleus, de toile et de boue, pas vrai ? ~ »

Mon ton a beaucoup changé mais maintenant que l'intimidation a échoué je dois bien trouver quelque chose d'autre pour faire partir l'Efflèche. Et j'ai envie de m'amuser un petit peu ! Et je ne pense pas que Joro puisse combattre un oiseau. C'est une mauvaise idée.