[TERMINÉ] Le Lion et l'Oracle [ft Lucie]

“Let's go alors. J'te suis”

En route pour l’établissement aux succulentes viennoiseries, Ralsen rangea son petit badge du STERN dans une de ses nombreuses poches. Plus en service, plus d’badge ! L’une des choses pour lesquelles elle remerciait Arceus, avoir seulement un badge et pas un uniforme complet à porter. Quel enfer ça serait sinon ! Brr.

Tandis que les deux jeunes femmes avançaient, Ralsen ne manqua pas de remarquer les petits sursauts du Porygon, une fois encore. C’était peut être… un genre de hoquet ? Elle aurait bien proposé quelque chose au Pokémon, une baie, une potion, n’importe quoi, mais Lucie ne semblait pas s’en soucier, elle se dit qu’il n’y avait donc pas de quoi s’en faire. Porygon, surtout Porygon Z, la secouriste n’en croisait pas souvent, elle n’osa pas questionner sa dresseuse au sujet de ces… hoquets.

“Alors, tu crois vraiment que le STERN serait capable d'arrêter Abyss? Je sais qu'ils ont le soutien de la Ligue mais pour l'instant ils ont l'air... insaisissables, non?”

Exactement, il avait l’air insaisissable. Les membres importants inconnus, les sbires de simples civils avec la bénédiction de l’organisation, qu’est-ce qu’ils pouvaient faire ? Pas grand chose. S’ils avaient promis de ramener les morts, et blâmait la ligue pour tous les maux de l'île, leur objectif restait obscur. Comment agir contre quelque chose qu’on ne voyait pas et dont on ignorait le but ? Impossible d’anticiper quand on ne sait rien.

“Des champions et des dresseurs ont déjà arrêté des groupes dangereux par le passé alors… Je dirais qu’on a nos chances” commença-t-elle en essayant d’être rassurante “Le plus dur à chaque fois c’est de limiter… d’empêcher les dégâts”

De nombreuses menaces avaient été stoppées mais à quel prix. Pyrrhic Victory, comme ils l’appelaient dans d’anciens bouquins d’Histoires fictives. Une victoire au coût trop grand était-elle encore une victoire ? Ralsen n’en était pas sûre. Elle ne s’était jamais sentie victorieuse, à Espérantown. Elle avait beau vouloir empêcher davantage de souffrance, en espérant que le STERN serve aussi ce but, elle se demandait si ça serait assez.

“T'as l'air de comprendre les gens qui se sont... fait avoir” Le ton de Lucie semblait presque hésitant pour la première fois, assez pour donner une idée de la suite de ses pensées “Enfin, tout à l'heure tu disais que t'aurais pu les rejoindre avec un mauvais timing. Comment t'as fait... pour faire le contraire?”

Ralsen prit le temps de réfléchir. La réponse était loin d’être évidente, elle n’était même pas sûre de pouvoir l’expliquer, ni d’y mettre les mots. Elle n’était pas dupe non plus, elle sentait bien qu’on était loin de la simple curiosité et qu’elle y cherchait quelque chose derrière. Qui n’avait rien perdu en habitant à Maïlys ? Trop peu de personnes, probablement.

“Hmm… Je pense que c’est… un peu un mélange de plein de choses. Le temps, il m’a fallu beaucoup de temps, et puis j’avais beaucoup de soutien de gens qui m’aimaient” commença-t-elle, à moitié plongée dans ses souvenirs, à moitié concentrée pour expliquer au mieux “C’était durant la grande éruption, et à Espé on avait déjà encaissé pas mal, je crois que c’était aussi le sens de solidarité qui aidait beaucoup. Même quand on se connaissait pas forcément on s’aidait et on se soutenait. Je crois que… je crois qu’en s’entre aidant on s’aidait les uns les autres à… guérir, si on veut”

Elle ignorait si c’était simplement ça, elle ignorait si c’était assez, si c’était tout, s’il n’y avait pas autre chose, mais elle avait essayé de laisser parler sa mémoire et son coeur plus qu’autre chose. Elle se disait qu’elle n’avait pas non plus besoin d’entrer plus dans les détails, qu’en plus de la perte, avoir dû gérer son sentiment de culpabilité avait été un des plus gros freins. Au final, même ça, c’était une question de temps et de soutien.

“J’aimerais pouvoir aider comme ça aussi” ajouta-t-elle, pensive.

Après tout, il ne suffisait pas de “combattre les méchants” pour que tous les problèmes s'envolent, la situation actuelle de l’île le prouvait bien.

“T'es déjà courageuse de penser comme ça. C'est vrai, t'as réussi à mettre de côté ta souffrance, tu t'en sers de force pour aider les autres. C'est déjà super cool”

“Pfff arrêêêête ! T’exagère” fit-elle avec un rire gêné et presque le rouge aux joues “Mais… Merci. J’avais jamais vu ça comme ça. Enfin j’avais jamais trop réalisé, plutôt”

Mettre de côté sa souffrance, pas exactement, mais le reste était si bien dit. Ralsen n’en serait pas là si elle n’avait vécu ce qu’elle avait vécu, ni comme elle l’avait vécu. Même si elle avait été complètement engloutie par le deuil pendant longtemps, même si elle avait encore des périodes difficiles où son moral était au plus bas, comme des cicatrices qui lancent durant une mauvaise pluie, elle en revenait toujours au même point, avancer, et canaliser son énergie à aider son prochain.

Elle n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit que les deux jeunes femmes arrivèrent à destination, et l’estomac de la secouriste prit le dessus sur toute logique et quelconques autres pensées.

“Ah ! On y est”

Un petit établissement modeste, plus proche de la boulangerie que d’un café malgré sa petite terrasse composée de quelques tables rondes en bois verni et leur jolies chaises en osier tressé, mais le plus important était la magnifique vitrine de leurs plus belles viennoiseries. Plus rapide que son ombre, Ralsen avait déjà sorti des billets, précaution pour payer plus vite, et surtout, en première.

“Bonjour ! Je vais prendre un pain au chocolat aveeeec… un jus d’orange s’il vous plaît ! Lucie tu veux quoi ?”

Si elle avait pu, elle aurait goûté de tout, mais tester un classique qui pouvait être très mauvais s’il était mauvais, très bon si il était bon, ça paraissait être un choix raisonnable. En plus, la barre chocolaté que Lucie avait grignoté un peu plus tôt l’avait légèrement influencée, elle avait bien envie de chocolat maintenant. Un bon compromis. Elle serait parée pour n’importe quel sujet de conversation, la nourriture réchauffait assez les cœurs pour repousser toute négativité !

Victoire ! Ralsen avait réussi à payer. Ce n’était pas qu’en échange de l’aide de Lucie, mais aussi simplement parce que ça lui faisait plaisir. Les deux jeunes femmes s’installèrent tranquillement à une table pour profiter de leur goûter improvisé. Après un bref bon appétit ! la secouriste n’attendit pas davantage pour croquer dans le délicieux pain au chocolat. Le réconfort après l’effort qu’avait été sa journée, ça, et quelques bonnes vitamines avec son jus de fruit, tout était calculé.

“Alors du coup, tu viens d'Espérantown? Ça doit être une vraie galère maintenant non? Enfin, c'est un peu devenu le siège du boss final quoi”

“Y’hup, et y’hup, mais ch’é joli” commença Ralsen, la bouche pleine, avant de reprendre plus poliment “Enfin, c’était joli, c’est un peu bizarre maintenant. Encore plus qu’avant peut être, je suis partie depuis un moment, alors je sais pas trop”

New Esperantown, la ville phénix qui renaissait toujours de ses cendres et guérissait toujours ses blessures, son chez-elle. Elle essayait de ne pas trop y penser, le sentiment de l’avoir abandonnée allait et venait constamment. La ville avait aussi beaucoup changé en un an à peine. Un an seulement ? Ou était-ce un peu plus ? Abyss y avait planté ses tours comme des crocs avant d’en faire leur territoire, quoi de mieux qu’une ville pareille pour l’organisation qui voulait ramener les morts à la vie. Tout a été si rapide, de patelin qui peinait à se remettre de chaque coup, Esperantown était devenu une simili-capitale. Une groupe pour le peuple de Maïlys, qui rendait à cette partie de l’île toute sa grandeur. Quelque chose comme ça. Tout ce que Ralsen avait constaté, c’était la drôle d’ambiance qui y régnait depuis. Comme si on ne pouvait plus vraiment parler à voix haute, comme si on se sentait constamment observé. Elle n’avait jamais eu l’impression qu’on lui avait rendu une ville en meilleur état, elle avait eu plutôt l’impression qu’on lui avait volé.

“Faudrait que j’y repasse un jour, ma famille est là-bas. Mais… J’ai un peu peur de comment je vais être accueillie. Comme tu dis… Le siège du boss final, c’est un peu ça. J’espère surtout que tout va bien pour les gens qui y vivent encore…”

Elle avait du mal à imaginer comment était la vie de tous les jours à ce moment-là pour les Esperantais. Le peu dont elle avait fait l’expérience était étrange, mais elle n'était pas restée assez longtemps après l’arrivée d’Abyss pour avoir une idée concrète. Elle avait un peu pris la fuite, finalement. Pas tout le monde n’avait ce luxe, pas tout le monde pouvait se permettre de déménager comme ça, surtout pas ces habitants là, et encore moins maintenant que la ville entière servait de quartier général à l’organisation. Étaient-ils vraiment sous la protection d’Abyss ? Ou les habitants étaient-ils des otages sans le savoir ? Si Ralsen comprenait pourquoi des personnes pouvaient les rejoindre, elle n’avait aucune, aucune confiance en ses dirigeants.

“J'espère aussi. Personne mériterait que ce genre de chose lui tombe dessus du jour au lendemain.”

Tout pareil pensa Ralsen, croquant dans son pain au chocolat. Malgré tout l’optimisme dont elle faisait preuve, le futur d’Esperantown lui paraissait bien sombre. Encore. Elle aurait peut-être dû rester, finalement. Protéger le reste de l’île mais laisser sa ville natale en danger… ce n’était pas le genre de sacrifice auquel elle avait pensé.

“Tu parles plus à ta famille depuis que t'es partie alors ? Ils ont pas... rejoint Abyss, si ? Enfin, comme toi t'es au STERN, ça serait pas évident. Ils ont jamais voulu partir eux aussi ?”

“Oh, si si, on s’appelle de temps en temps, je dois… juste faire gaffe de pas parler boulot. Tu sais, au cas ou” commença-t-elle après avoir avalé sa bouchée avant de parler.

À l’image de l’atmosphère de la ville, les conversations pouvaient être assez pesantes. Elle ignorait si la ville entière et toutes les communications intérieures mais aussi avec l’extérieur étaient surveillées. Abyss glanait des informations partout, c’était certain, la possibilité qu’ils épient les faits et gestes des habitants de leur place forte était presque garantie. Pour ne pas se mettre en danger, ils ne discutaient jamais de l’organisation ni de l’influence sur la ville. Question de sécurité pour sa famille. Et Ralsen, elle, ne parlait jamais du travail, ou alors des plus banales de banalités, des choses les plus anodines. Ils marchaient sur des oeufs à chaque appel, au point qu’elle ignorait si leur position sur Abyss avait changé depuis. Leur demander était inutile, qu’est-ce qu’ils pouvaient bien répondre ? Elle verrait bien quand elle leur rendrait visite en chair et en os.

“Je crois pas qu’ils aient rejoint Abyss. Ils auraient pas grand chose à leur apporter en plus ! Ils sont fleuristes”

Aucun doute que l’organisation pouvait rendre n’importe qui utile, de quelque façon que ce soit. De simple chair à canon, bouc émissaire, informateurs qui continuaient leur vie de tous les jours en leur partageant simplement leur savoir, les on-dit et les discussions passagères. Mais eux ? Peu de chance. C’est ce qu’elle se disait. De simple habitants qui profitait du dôme protecteur.

“Et partir… C’est compliqué. On a déjà quitté la ville y a longtemps, temporairement. Je pense que… C’est difficile de s’en détacher quand on y a vécu aussi longtemps et qu’on l’a un peu reconstruit de nos propres mains tu vois ? Et…” Elle marqua une pause, hésitante. Elle ignorait comment formuler ça. “Y a le mémorial, tu sais. Pour se recueillir. Vu que euh, notre cimetière aussi il a tendance à… pas rester entier”

Elle continua de manger un peu nerveusement. La gêne ne venait pas d’aborder le sujet, mais plus de plomber complètement l’ambiance. Elle se sentait étrangement à l’aise, pourtant Lucie n’était qu’une inconnue - une connaissance maintenant ? - elle ne voulait simplement pas imposer un sujet lourd qui devenait vite personnel pour beaucoup trop de Maïlysien. Si elle pouvait le plus souvent en parler sans trop de problème, ce n’était pas le cas de tout le monde. Et puis même pour elle, parfois, le moment pouvait être mal choisi.

“Je peux... te demander quelque chose ?”

Lucie posa la question d’un ton qui ne semblait pas d’elle, presque timide. Non, pas timide. Ralsen ne savait pas comment le décrire, mais l’atmosphère lui paraissait soudainement bien différente. Sans pouvoir l’expliquer, elle avait la drôle d’impression d’être dans une bulle, coupée du monde. À la façon de parler de la rouquine, elle avait bien senti que quelque chose dans ses dires avait éveillé… quoi, un souvenir peut-être ?

“Tu crois que les morts nous en veulent, pour nos erreurs ? Je veux dire... si on s'est égaré après les avoir perdus. Tu crois qu'on peut... les décevoir ?”

Le premier réflexe de la secouriste en entendant une voix si tremblante et un langage corporel qui transpirait de honte aurait été de rassurer, seulement, elle connaissait à peine la rouquine, difficile de savoir ce qu’elle pouvait se permettre. La honte et la culpabilité, elle connaissait ça plutôt bien, des sentiments si facile à avoir si difficile à se débarrasser, pour les raisons les plus minces comme les pires raisons. Elle imaginait mal Lucie être réellement coupable de quoi que ce soit de grave, elle avait beau être quelque peu rustre elle semblait avoir un bon fond. On ne connaissait jamais vraiment les autres, mais Ralsen faisait assez confiance à son instinct.

Le deuil, lui, avait la fâcheuse tendance à générer et amplifier la culpabilité, ça et bien d’autres sentiments des plus négatifs, au point qu’il arrive à définir toutes les actions et les émotions de quelqu’un. Surtout quand on est un survivant, à se dire que les rôles auraient dû être échangés. Que les morts pouvaient-ils penser ? Ça, c’était la question en or.

Ralsen prit une inspiration. Lucie attendait une réponse honnête, elle en était certaine, mais elle avait aussi besoin d’être rassurée, ça aussi elle en était sûre.

“Je pense que si c’est des gens qui nous aimaient vraiment, ils comprendraient” commença-t-elle avec un ton d’une grande douceur “Qu’ils approuvent ou pas, je veux dire. Peut être que si ils étaient là en fantôme ils nous foutrait une baffe ou nous ferait un câlin. Mais je pense qu’ils comprendraient quand même” précisa-t-elle, essayant d’allier un peu de légèreté à la sincérité.

Elle n’avait pas manqué d’imaginer ce genre de scénario par le passé. Son ami la taquinait toujours d’être une pleurnicheuse quand ils étaient petits, alors c’est ce qu’elle avait visualisé dans ses pires moment. Le voir lui secouer les puces quand elle était roulée en boule dans un coin de la chambre, à la taquiner d’être un gros bébé. Quand elle doutait de son départ, et que la négativité s’emparait de ses souvenirs de lui pour en faire une ombre de culpabilité qui l’accusait de tous les avoir abandonnés, elle changeait ça en des railleries amicales et taquine.

Elle ignorait ce que Lucie avait fait, ni qui elle avait perdu, mais ce qu’elle savait, c’était que les souvenirs des proches disparus prenaient des formes bien plus sombres qu’ils ne devaient l’être. Elle pouvait douter d'elle-même, mais douter de la mémoire de la mémoire d’un ami ? C’était injuste envers lui.

“Ecoute… pour ce que ça vaut… Je sais qu’on se connait pas vraiment ni rien… Les morts peuvent pas pardonner mais les vivants si alors euh… C’est peut être stupide je sais pas, mais si t’as besoin que quelqu’un te pardonne tes erreurs, moi je te pardonne”

Est-ce qu’elle savait ce qu’elle pardonnait ? Pas du tout. Est-ce qu’elle en avait quelque chose à faire ? Absolument pas. Des paroles naïves au premier abord, elle savait pertinemment ce qu’elle disait, et elle savait ce qu’elle faisait. Enfin plus ou moins. Déformation professionnelle, entre l’hésitation et le comportement de Lucie, elle avait eu… quelques idées. Qu’elles soient exactes ou non, elle n’en avait pas grand chose à faire non plus. Elle voyait simplement quelqu’un en souffrance. Elle l’avait bien dit, c’était aussi un de ses objectifs. Quand le mal était fait, il fallait apaiser les peines. Qualifiée ou non, il fallait bien essayer. Elle espérait simplement que ses intentions n’auraient pas l’effet inverse.

“Tu devrais pas pardonner quelque chose sans savoir ce que c'est. Mais... merci”

Il n’y avait pas trente façons d’interpréter le rire nerveux qui accompagnait cette réponse. Lucie avait bien évidemment raison, mais Ralsen avait décidé de bien camper sur sa position.

“Hmmmmm… Ouais, mais nop, je suis plutôt sûre de moi sur ce coup !”

Elle essayait de briser l’étrange bulle de mélancolie qui les entourait avec un ton plus léger. Elle avait confiance en son instinct, quoique la rouquine ait fait, elle ne semblait pas être une mauvaise personne. Et puis, les bonnes personnes pouvaient parfois prendre les mauvaises décisions. Quoiqu’elle ait fait… Non, ça ne pouvait pas être si grave.

“Désolée, j'ai plombé l'ambiance. J'ai juste... pas grand monde à qui parler de ça. Mes parents comprendraient pas”

Difficile de rater le camouflage un peu vain des yeux larmoyant de son interlocutrice, si elles se connaissaient seulement un peu mieux, Ralsen l’aurait peut être taquinée gentiment, ou l’aurait rassurée que pleurer était bien naturel et qu’en face d’elle elle avait quelqu’un qui pleurnichait bien pour un rien, alors à côté, aucune honte à verser une larme ou deux. À la place, elle fit mine de ne rien remarquer, laissant l’introvertie avec ses propres émotions. Elle espérait simplement que ses mots eurent un effet positif. C’était difficile à dire, mais elle avait bon espoir.

“T’inquiète, c’est moi qui ai commencé, c’est moi qui devrais m’excuser !” commença-t-elle. Mentionner le mémorial n’avait pas été son idée la plus brillante “Et… Ouais, je comprends. Je pense… Enfin, on est tellement nombreux à avoir souffert ici, ça veut pas dire qu’on peut en parler avec n’importe qui, ni que n’importe qui puisse… saisir le truc. Enfin, ça s’explique pas je suppose”

Si la perte que sa famille avait vécue était bien celle d’une même personne, ils l’avaient vécu bien différemment. Et en parler… Même en parler restait difficile, parfois. Ralsen restait toujours sur la réserve, elle en était toujours gênée. Ils se comprenaient sans se comprendre, et un mur presque imperceptible s’était créé. En parler aux autres ? C’était plus simple.

“Ah !”

Alors qu’elle croquait dans le peu qui lui restait de sa viennoiserie, une idée la frappa comme une évidence. Sans plus de précision quant-à son exclamation étouffée, elle s’essuya bien les mains, grignotant le morceau restant du pain au chocolat au passage tout en fouillant dans ses poches. Une… non, celle-là ? Toujours pas. Après une fouille de quelques secondes, elle en sortit son petit carnet et le crayon qui lui était assigné. Elle fit défiler les pages où quelques croquis de Pokémon, de paysage, et plus rarement de personnes pouvaient être succinctement aperçus, avant de s’arrêter sur une page blanche pour y écrire. Elle prit soin de finir sa bouchée pour ne pas encore parler la bouche pleine.

“Tiens, c’est mon numéro, si t’as besoin de quelqu’un à qui parler” Alliant la parole au geste, elle posa la feuille maintenant détachée du carnet sur la table “Ou si t’as besoin d’un coup de main pour un truc aussi ! Evidemment”

Evidemment ? Evidemment, c’était Ralsen.