Donjon et Dragon [ft Salizyr] [TERMINÉ]

Lorsque l'on était un dragon volant, il était fatalement plus facile de se rendre d'un bout à l'autre de l'île de Maïlys et de tout visiter. En tant que Dresseur, Salizyr ne vivait pas comme un Pokémon sauvage, mais plus comme un Humain avec des capacités de Pokémon. Il n'élisait pas domicile dans une grotte chaude volcanique comme pourrait le faire un Dracaufeu sauvage, mais vagabondait de ville en ville, tout en parcourant différentes terres sauvages, avec la liberté d'emprunter les chemins qu'il désirait en volant. Ainsi, il pouvait passer facilement des montagnes aux côtes, et de l'Ouest à l'Est. Tout lui était beaucoup plus rapidement accessible qu'un Dresseur Humain, et notamment les deux villes opposées : New Esperantown et Port Sableye, là où siégeaient les quartiers généraux des deux plus grandes factions rivales de l'île.

New Esperantown, sa ville natale, Salizyr n'était pas encore prêt d'y remettre les pieds. La ville était gangrénée par Abyss, et connaissant son propre tempérament, Salizyr savait qu'il existait un trop gros risque qu'il ait envie de tout cramer là-bas. Il avait pourtant l'impression d'avoir toujours connu une ville contaminée par des gangs mafieux aux intentions troubles. Il y avait d'abord eu le gang Némésis notamment, dont il avait essayé tant bien que mal de préserver Raphaël. Puis Abyss. Ce qui avait changé depuis, c'est que Raphaël avait été tué. Tout membre d'Abyss était un ennemi.

Quant à Port Sableye, il s'agissait pour l'instant aux yeux de Salizyr d'une ville comme une autre. Il avait entendu parler du STERN en des termes très vagues, et leur opposition au gang Abyss était à peu près le seul élément que Salizyr savait d'eux avec certitude. Seulement, la voie qu'il empruntait consistait-elle à simplement venger Raphaël par tous les moyens possibles, ou bien à lui rendre noblement hommage en tant que Dresseur ? La rancœur était pourtant bien une composante de son état d'esprit, mais le sentiment de ne pas rendre le plus bel hommage à Raphaël prenait toujours le dessus. De plus, depuis sa rencontre marquante avec Spyrij, Salizyr trouvait matière à s'inspirer de la sagesse du colossal serpent de pierre.

Si Port Sableye était donc une ville comme une autre, alors rien ne l'empêchait d'y faire étape, cela ne signifiait pas son intention de rejoindre immédiatement le STERN et de partir au front affronter Abyss avec des alliés. Voilà comment Salizyr s'était donc un jour retrouvé à visiter cette ville portuaire, la Porte du Désert comme certains l'appelaient, dont la proximité avec une région inhospitalière n'empêchait pas un certain tourisme de s'y développer. Et c'est une rumeur inattendue qui avait retenu toute l'attention de Salizyr, le détournant d'un vagabondage pur et simple pour le lancer dans une quête précise. Plus qu'une simple rumeur même puisqu'une rapide enquête auprès de témoins lui avait confirmé les faits : un membre d'Abyss avait osé se rendre au plus près du QG du STERN pour espionner l'ennemi et tenter le sabotage de leur image publique. Sur le point de se faire démasquer, il avait pris la fuite dans le désert. Salizyr s'était immédiatement élancé à sa poursuite.

Le désert était vaste. Heureusement peu de gens s'y aventuraient ; essentiellement des caravanes marchandes ou des Dresseurs attirés par les Pokémons sauvages endémiques de ce biome ou voulant simplement enrichir leurs aventures en voyageant à travers toute l'île – exactement comme le faisait Salizyr. La difficulté ne résidait donc pas dans le fait de repérer un individu précis dans une foule, mais simplement de repérer un individu sur un territoire immense, parsemé d'irrégularités rocheuses, de failles souterraines et de ruines mystérieuses, autant d'endroits où un fuyard pouvait trouver cachette malgré une typographie basiquement plate.
Par ailleurs, étant parti précipitamment, le fuyard allait sûrement avoir besoin de se ressourcer en eau, s'il n'avait pas avec lui un Pokémon capable d'en produire. Il valait donc peut-être le coup de surveiller également les oasis.

Il n'allait donc pas être aussi facile que l'on aurait pu le penser de pourchasser ce fuyard d'Abyss dans le désert. Or, plus Salizyr allait perdre de temps à le trouver, plus il risquait de laisser le fuyard atteindre Oblaide puis New Lakit, où, cette fois-ci, il se confondrait dans la masse. Pour le bien de sa mission l'espion n'avait évidemment pas de signe distinctif d'Abyss sur lui et Salizyr n'en avait qu'une description sommaire : c'était un homme, jeune – pas plus de la trentaine –, séduisant, athlétique, cheveux clairs coupés courts, portant un débardeur couleur sable. Puisqu'il s'agissait d'un espion, il fallait s'attendre à ce qu'il sache changer d'apparence, ne serait-ce que vestimentairement, et pourquoi pas porter une perruque.

Salizyr survolait le désert depuis déjà trois heures, son dos chauffait agréablement sous un soleil de plomb, et sa flamme caudale n'en brûlait que plus intensément. Et soudain, enfin, il repéra quelqu'un, là, près d'une oasis. Un Humain. Il ne semblait pas seul, un Pokémon était avec lui, mais depuis le ciel Salizyr ne distinguait qu'une silhouette bleutée.
Il plongea, tout en rugissant presque victorieusement, simplement soulagé de trouver enfin âme qui vive après trois heures de recherches à en perdre la tête dans le désert. Se pourrait-il déjà qu'il ait trouvé le fuyard ? Alors qu'il s'approchait, la personne sembla rester sur la défensive mais sans geste de panique. Le Pokémon qui l'accompagnait était un Lucario. Une femelle, et l'Humain avait l'allure d'un homme.

L'air se souleva alors que le Dracaufeu posa les deux pieds dans le sable, le regard braqué sur l'Humain. Athlétique, il l'était. Séduisant... sûrement. Ses cheveux étaient clairs et même plus que ça, virant sur le blanc, et rasés sur les côtés. Ses vêtements ne correspondaient pas en revanche mais Salizyr n'allait pas s'arrêter à ce détail. Néanmoins il avait quand même un doute. Il fit quelques pas, sans rien dire, les ailes écartées, et renifla son vis-à-vis, à quelques petits mètres de distance. Son odorat reptilien lui apporta une information décevante : malgré sa carrure, la personne qu'il avait en face de lui était une femme.
Ce n'était pas sa cible.

Frustré, il s'adressa à la Lucario d'un ton agressif :

SALIZYR – Je cherche un fuyard d'Abyss. Avez-vous croisé quelqu'un dans le désert ? Traduis-lui !

Il ne remarqua la Kraknoix qu'au dernier moment mais l'ignora pour le moment.

L'Humaine semblait prendre le Dracaufeu au sérieux comme une menace si jamais elle faisait un pas de travers. Salizyr avait un tempérament de feu et pouvait donc parler de façon agressive comme à l'instant, néanmoins il fallait le pousser à bout pour qu'il s'en prenne à un Humain... à l'exception bien sûr d'un membre d'Abyss sur lequel il hésiterait beaucoup moins à se défouler. Il était à l'instant présent simplement frustré et impatient, mais cette Humaine ne risquait pas grand-chose tant qu'elle ne s'amusait pas à le provoquer. Néanmoins il restait intéressant d'avoir une capacité d'intimidation, pour le Dracaufeu. L'Humaine ne pouvait donc pas encore connaître le vrai caractère de Salizyr et, par instinct de survie, évita de le contrarier.

En revanche, la Lucario, de son côté, eut un peu le comportement opposé. Provoquer Salizyr, ça semblait être un choix possible de sa part, à croire qu'elle s'en fichait si le Dracaufeu venait à s'en prendre à l'Humaine sur un coup de colère.

Lucario – Désolée grand gaillard, mon lien avec elle n'est pas assez fort pour ce genre de chose.

Sa première erreur fut de l'appeler « grand gaillard », car bien que son ton fût très calme, Salizyr ne put évidemment percevoir cela que comme une petite pique. Il plissa les yeux en la calcinant du regard, mais en même temps son cerveau traitait déjà l'autre partie, essentielle, de sa phrase : elle n'avait, selon ses dires, pas de lien assez fort avec l'Humaine pour lui parler en sa langue. Les Lucarios étaient souvent télépathes mais après tout il n'étaient pas de type Psy, et il s'agissait non pas d'un don inné leur permettant de communiquer avec tous les Humains, mais d'une empathie qui devait se travailler. Ca semblait du moins être le cas pour cette femelle.

Lucario – Heureusement pour toi, je suis douée.

Ce fut sa deuxième erreur : jouer avec les nerfs de Salizyr. On pouvait le confirmer : elle n'avait pas un lien assez fort avec l'Humaine, car ça ne semblait pas la déranger qu'un Dracaufeu agressif s'en prenne à elle par sa faute. Salizyr frappa le sable d'un coup sec de la queue et écarta les ailes encore plus en grognant :

SALIZYR – Tu peux ou tu ne peux pas ??!

Sauf que ce n'était pas si simple, et cette Lucario aurait pu dire les choses sans cette petite marque d'arrogance et sans donner l'impression de dire tout et son contraire en un instant. Elle communiqua par le geste avec l'Humaine, la faisant même sursauter en lui tapant la poitrine puis le front sans force mais avec autorité. Salizyr commença seulement à se dire qu'il aurait en fait eu meilleur compte d'écrire tout de suite dans son carnet pour communiquer avec l'Humaine directement. Il avait espéré qu'en utilisant la Lucario comme intermédiaire, cela eût été plus rapide. Mauvais calcul. La Lucario dut même se mettre à dessiner dans le sable en utilisant la capacité Charge Os pour matérialiser un outil.

RALSEN – Oh, Abyss ?
Lucario – On a vu personne. Mais si tu ranges tes crocs on peut t'aider. Elle est avec l'autre groupe d'Humains, ceux qui combattent Abyss, et de mon côté je devrais pouvoir pister l'Humain. Ou en tout cas essayer.

Salizyr en avait déjà marre de ce petit ton condescendant. Il cracha par les narines de la fumée noire droit au visage de la Lucario.

SALIZYR – Tu ne dois franchement pas être futée pour prendre ce petit ton avec moi, petite canine.

La chamaillerie pouvait cependant attendre, car plus de temps il perdrait avec cette imbécile de Lucario, plus le fuyard risquerait d'atteindre un endroit où il serait insaisissable. Il se détourna ostensiblement d'elle pour ne plus faire face qu'à l'Humaine et à la Kraknoix, et sortit son carnet. Sa queue se balançait nerveusement de gauche à droite, pendant qu'il écrivait. Quand il eut fini, il fit la moue, car dans la colère et la hâte, il n'avait fait aucun effort pour que ses lettres soient jolies. Il montra quand même la page à l'Humaine.

“Je cherche fuyard Abyss parti de Sableye.
Tu m'aides ? Toi STERN ?”

Salizyr, concentrée sur l'Humaine, ne remarqua pas le regard émerveillé de la Kraknoix à son égard, et pourtant Arceus sait que cela aurait flatté son orgueil !

RALSEN – Bien sûr ! Mais ça va être un peu compliqué, il peut être n'importe où. Oh, et ouais, je suis au STERN, j'y suis secouriste.

Une secouriste du STERN ? Salizyr n'était pas tombé sur n'importe qui. Elle semblait déjà motivée à l'aider malgré son arrivée brutale et son approche agressive. Il pouvait être étonnant qu'elle ne lui en tînt pas rigueur, néanmoins en tant que membre du STERN elle devait surtout voir là une occasion de traquer un ennemi commun, et se disputer avec Salizyr serait une perte de temps.

La Lucario elle-même commença déjà à chercher des pistes mais Salizyr avait décidé de ne pas s'occuper d'elle, il n'avait déjà plus envie de lui parler, sa Dresseuse avait l'air déjà beaucoup plus efficace qu'elle, et montrait plus de bonne volonté que de condescendance. Au moins, elle ne perdait pas de temps pour chercher, et ça, Salizyr saurait le lui reconnaître uen fois qu'il serait de meilleure humeur.

Pendant que l'Humaine réfléchissait, Salizyr scruta l'horizon désertique, au cas improbable où il verrait une autre silhouette. Evidemment, rien. Il raccrocha son regard sur l'Humaine quand cette dernière se tapa un poing contre la paume en s'exclamant avoir une idée.

RALSEN – Si ce type veut rester prudent pour pas que le désert lui fasse la peau, il va forcément emprunter les chemins de marche et de transport. Je pense qu'il va rejoindre New Lakit, y a des entrées dans des tunnels désaffectés d'une ancienne base, si nous au STERN on est au courant Abyss l'est aussi, c'est l'endroit parfait pour s'enfuir en toute sécurité.

Par le passé, Raphaël avait découvert que les Némésis utilisaient des chemins souterrains sous Esperantown. Salizyr n'avait en revanche aucune idée de l'existence de chemins similaires sous d'autres villes comme New Lakit. Se pourrait-il qu'il y en ait sous le désert ? C'est ce que la secouriste du STERN avait l'air de penser. Elle enjoigna la Kraknoix, du nom de Spine, à avancer à travers sable pour essayer de trouver l'un de ces tunnels. La Lucario, qui elle n'avait pas de nom particulier, fut simplement encouragée à poursuivre ses recherches.

RALSEN – Et… euh… Dracaufeu ? Tu nous as repérées de tout là haut, c'est une super idée d'observer du ciel ! Ah mais t'es peut être fatigué, désolée... Dis-moi ce que t'en penses ! C'est juste une proposition.

Salizyr écarta encore les ailes en rugissant vers le ciel pour montrer qu'il n'était pas fatigué, du moins pas au point de ne rien faire. Sa motivation prenait le dessus, d'autant plus en voyant cette Dresseuse du STERN se montrer aussi réactive. Ca faisait plaisir !

Il saisir l'une des pokeballs à sa ceinture et la tendit vers le sol, libérant une aura qui fit apparaître Dribeü.

SALIZYR – Dribeü, joins tes efforts à ceux de... (regardant un instant la Kraknoix) Spine, c'est ça ? À deux vous serez plus efficace pour chercher des tunnels en nageant dans le sable.

Puis il se mit à écrire, en ne faisant pas beaucoup plus d'efforts pour la forme. Il montra à l'Humaine :

“Je surveille depuis les airs. Si tu veux regarder avec moi, accroche-toi sur mon dos.”

Il s'inclina ensuite à l'oblique en regardant son interlocutrice, attendant de voir si elle voulait monter sur lui pour apporter sa paire d'yeux à l'observation aérienne, ou s'il devait s'envoler sans elle.

De son côté, Dribeü salua timidement Spine et lui demanda comment ils allaient s'organiser pour fouiller le sol.

RALSEN – Oh ! Si ça te dérange pas je veux bien. Et puis on ira plus vite, je suis sportive mais vous êtes quand même tous plus rapide que moi.

C'était vite dit. En tout cas, dans le désert, elle avait peut-être raison : Salizyr pouvait voler, Spine et Dribeü nageaient dans le sable, la Lucario... à bien y réfléchir, la Lucario avait-elle vraiment un avantage sur sa Dresseuse pour se déplacer sur le sable ? En revanche, sur terre ferme, l'Humaine n'était certainement pas la moins rapide. Les Dracaufeu, au sol, n'étaient pas des sprinteurs, Dribeü était lent...

Peu importe, dans la situation présente ils allaient tous se rendre efficaces à leur manière. C'était donc dit : Salizyr porterait l'Humaine dans les airs, deux paires d'yeux valant mieux qu'une. Mais avant cela, la Dresseuse de la Kraknoix remarqua que cette dernière semblait avoir du mal à décider d'un plan d'action avec Dribeü qui s'était instinctivement référé à elle – mauvaise pioche. A cause de son passé, Dribeü et Virgil avaient encore du mal à prendre des initiatives. Ils étaient des suiveurs, ce qui s'avérait pratique pour la cohésion du groupe de Salizyr, mais pouvait aussi devenir un frein dans des situations comme celle-ci. Salizyr n'avait pas l'intention de changer leur personnalité, loin de là, il avait déjà assez avec Flumoc quand ce dernier partait en roue libre – encore que même lui gardait un profond respect pour l'autorité de Salizyr – néanmoins il voulait les aider à s'épanouir. Dribeü et Virgil n'étaient plus des esclaves maltraités, ici ils pouvaient donner leur avis, et s'ils n'en avaient pas, il serait enrichissant pour eux d'apprendre à s'en forger un.

L'Humaine s'excusa brièvement auprès de Salizyr pour se pencher auprès des deux Pokémons Sol et les aider à se coordonner :

RALSEN – Vous voulez vous répartir les tâches pas vrai ? Toi Spine tu peux creuser profond jusqu'aux couches compactes, si y a des tunnels de la Némésis ici aussi, ils ont dû les construire dans du solide. Et toi Bacabouh, tu peux fouiller proche de la surface, y a des ruines qui sortent d'un peu partout, et des fois des accès en profondeur bien cachés.

Salizyr sourit. Sa mauvaise humeur semblait être passée. Il appréciait comment cette Dresseuse venait de prendre les choses en main, avec gentillesse, pour conseiller les deux Pokémons. Elle conclut avec un petit geste affectueux à la Kraknoix puis se retourna face à Salizyr, et commença à s'accrocher à son dos, avec des gestes incertains.

RALSEN – Désolée, j'espère que ça ira. Je suis peut-être un peu lourde.

Lourde ? Non. Certes elle devait être un peu au-dessus des femmes de sa taille et de son âge, de part sa musculature, mais Salizyr pouvait porter des hommes plus grands et plus lourds qu'elle. En revanche elle ne s'accrochait pas de la meilleure des façons, et risquer de glisser ou alors d'étrangler Salizyr. Ce dernier posa ses mains sur les siennes afin de les repositionner et montrer à l'Humaine une meilleure façon de s'accrocher. Il voulut aussi lui faire comprendre de plier un petit peu plus les jambes. Il se pencha en étendant le bras pour lui attraper une cuisse et la tirer un peu, la forçant à plier un peu la jambe.

La Lucario émit soudain un Grincement, simplement pour émettre l'idée d'un signal si quelqu'un repérait quelque chose d'intéressant. La Dresseuse approuva l'idée et suggéra à Spine de faire un grand Tourbi-Sable pour envoyer un signal.

SALIZYR – Dribeü, tu entends ? C'est une bonne idée, tu peux toi aussi lancer un grand Tourbi-Sable si tu repères quelque chose.

Avant de partir, la Lucario adressa tout à coup la parole à Salizyr :

Lucario – On trouve pas des Humains comme elle tous les jours. Je te fais confiance pour veiller sur elle, là haut.

Salizyr fut bien obligé de reconnaître qu'il n'avait aucune raison de ne pas tenir compte des paroles de la Lucario. Cette dernière voulait qu'il veille sur l'Humaine et c'est quelque chose qui touchait Salizyr. Il n'avait pas envie de parler à la Lucario mais il ne devait pas non plus agir comme un gamin idiot. Il lui répondit donc sobrement :

SALIZYR – J'ai grandi en veillant sur des Humains.

Ils n'étaient pas partis sur de bonnes bases tous les deux, mais il y avait peut-être quand même quelque chose en commun chez eux.

Enfin, juste avant de s'envoler, Salizyr tint à adresser quelques mots à Dribeü :

SALIZYR – Ce que cette Humaine t'a dit de faire, ce n'est pas un ordre, c'est un conseil, parce qu'elle a vu que vous n'arriviez pas à trouver d'idées pour coordonner vos recherches. Et je ne t'ai pas donné d'ordre non plus. Tu es autonome, Dribeü. Tu es libre de penser et de donner des idées. D'accord ?

Dribeü fixa un instant Salizyr, sans rien dire. Son esprit devait s'imbiber de ces mots qui n'étaient pas choisis par hasard. Il était conscient d'avoir un travail à faire sur lui-même. Salizyr avait l'habitude de sortir Dribeü et Virgil ensemble de leur pokeball, il était rare que l'un soit dehors sans l'autre. Virgil semblait mieux s'acclimater à sa nouvelle condition que Dribeü qui le prenait en exemple et voulait suivre ses pas. Là, Virgil n'était pas là, il restait dans sa pokeball – et en plein désert sous un soleil de plomb, il valait mieux pour le Grelaçon. Dribeü n'avait donc pas son compagnon et son modèle avec lui. Salizyr devait donc l'encourager à ne pas se sentir perdu pour autant.
Il y arriverait. Cela prendrait du temps et demanderait de la patience. Mais il y arriverait. Après tout, il avait lui aussi déjà fait des progrès notables.

Un dernier regard à l'Humaine pour s'assurer qu'elle était prête, et Salizyr s'envola. L'instant d'après, Dribeü s'immergea et commença ses fouilles en suivant les conseils de l'Humaine.
Salizyr commença à voler en formant des cercles dans le ciel, et en élargissant le rayon progressivement, une technique pour être sûr de ne manquer aucune zone et pour ne pas avoir à se rappeler là où il était passé et ce qu'il lui restait à survoler. Au début, il garda les poignets de l'Humaine dans ses mains pour les fixer et rassurer sa cavalière. Aurait-elle le vertige ? C'était aussi une autre question à laquelle le Dracaufeu fut attentif, essayant de détecter la moindre nervosité dans ses jambes, dans son bassin ou dans ses bras. De temps en temps il pencha légèrement la tête, manière de la rassurer en lui faisant comprendre que si elle avait le moindre souci, elle n'avait qu'à l'exprimer et il redescendrait aussitôt.

Dribeü trouvait la Kraknoix assez sympathique et rigolote. Elle le mettait en confiance et sortir de sa réserve. Ce qui passait chez lui pour de la timidité était plus complexe que cela. Salizyr avait vraiment envie de voir Dribeü devenir enfin lui-même, et il se montrait patient pour cela. Le Bacabouh prit en tout cas sa tâche à cœur et farfouilla dans la strate supérieure du sable assez rapidement dans une large zone, retrouvant par moments la Kraknoix pour partager leurs progressions respectives.

Dans le ciel, la secouriste du STERN avait l'air de s'éclater sur le dos du Dracaufeu. Alors que tous deux prenaient de la hauteur, elle était en pleine extase, et Salizyr eut un petit sourire en coin. Quand un terrestre venait à être porté haut dans les airs, cela ne le laissait jamais indifférent : soit ça le terrorisait, soit ça le faisait vibrer. La cavalière du jour de Salizyr appartenait à la seconde catégorie. Juste au moment où Salizyr se demanda si elle allait quand même garder un minimum de concentration pour chercher avec lui, elle se reprit et réprima ses manifestations de joie.

Malgré tout Salizyr continuait de tourner la tête vers elle par moments, au cas où un vertige la prendrait subitement, mais à chaque fois elle lui souriait et lui assurait que ça allait.

RALSEN – Au fait, je m'appelle Ralsen ! T'es un Dresseur pas vrai ?

Salizyr eut à peine le temps d'hocher la tête en signe de confirmation, qu'un bruit métallique fort similaire à celui que la Lucario avait produit avec son Grincement, parvint jusqu'à leurs oreilles. En même temps, Ralsen et Salizyr posèrent le regard sur l'origine du bruit : une silhouette bleue à proximité de ruines anciennes qui dominaient le paysage à cet endroit du désert. Le sol arborait des couleurs nuancées là où sable et terre se mêlaient à l'ombre de plateaux rocheux.

RALSEN – Elle a dû trouver quelque chose.
SALIZYR – Allons voir.

Salizyr inclina sa trajectoire de vol pour se rapprocher petit à petit de la Lucario. Même si Ralsen n'y connaissait rien en vol de Dracaufeu, elle pouvait aisément deviner que Salizyr aurait pu, s'il avait été seul, plongé en piqué plus vivement et perdre en altitude à plus vive allure pour rejoindre le sol beaucoup plus vite. Seulement, Salizyr avait conscience de porter une Humaine inexpérimentée en matière de vol, et ne voulut prendre aucun risque. Malgré l'urgence de la course-poursuite, il descendit patiemment en s'assurant que Ralsen ne tombe surtout pas.

Une fois proche du sol, ses ailes freinèrent l'air et l'angle de son dos s'inversa, la tête redevenant la partie la plus élevée. Il garda néanmoins le dos oblique au possible jusqu'à ce que ses pieds se posassent sur la surface mi-terreuse mi-sablonneuse du sol et il attendit dans cette position que Ralsen fût descendue. Seulement alors il redressa le dos pour reprendre sa posture naturelle, et replia légèrement les ailes.

Il ouvrit la bouche pour parler mais fut coupé dans son élan par l'arrivée quasi simultanée de Spine et de Dribeü. Il fut même surpris – mais agréablement – d'entendre ce dernier prendre la parole :

DRIBEÜ – J'ai cru repérer un début de piste mais je ne suis pas sûr... Que se passe-t-il ?

Salizyr ferma la bouche finalement et tourna la tête vers la Lucario pour savoir.

Le Dracaufeu commença à amorcer sa descente pour rejoindre la Lucario loin en contrebas. Ralsen descendit en faisant attention où elle mettait les pieds. Spine et le Bacabouh arrivèrent au même moment et la secouriste devina un échange entre les Pokémons.

“J'ai cru repérer un début de piste mais je ne suis pas sûr... Que se passe-t-il ?”

“Je perçois une présence humaine en profondeur, sous le plateau. Quelqu’un d’assez paniqué. J’ai vu quelques entrées dans ces grandes ruines. Avec un peu de chance, c’est lui” elle accompagna son explication aux Pokémons par des gestes à l’attention de l’humaine “Qu’est-ce que tu as vu ?” demanda-t-elle ensuite au Bacabouh avec un peu plus de douceur.

La Lucario n’était pas des plus enthousiaste à s’enfoncer dans ce genre de vestiges anciens. Ils étaient toujours porteurs de mauvaises nouvelles sur cette île. Les ruines des Légendes climatiques, qui avaient amené des combats titanesques contre Oiseaux et Génies avant de se conclure sur la Guerre de l’Étoile. Sous elles, sous la jungle, une ville oubliée dans laquelle un humain perfide avait soumis beaucoup trop de Pokémon à son contrôle pour ses propres desseins, et si elle en croyait les rumeurs rapporté par les créatures qui en avaient été témoin - et victimes - d’autres Légendes avaient été asservie l’espace d’un instant pour causer toujours plus de destruction. Les ruines dans les profondeurs du volcan qui avaient relâché l’obscurité étouffante sur toute l’île, ces ténèbres capable de révéler les pires cauchemars de chacun, de réveiller les traumatismes les plus enfouis. L’horreur de ce jour là s’accrochait encore à son âme.

Ralsen observait une entrée proche d’eux, tellement haute qu’elle en donnait le vertige. La perspective de devoir s’enfoncer dans une suite de salle et couloir délabré n’était pas rassurante. Et puis elle avait un air de déjà vu, c’était comme au musée. Un agent d’Abyss en fuite dans un bâtiment qui risquait de s’effondrer à la moindre attaque… Elle entendait presque la cacophonie assourdissante des cris de panique.

Elle se tapota les joues pour se reprendre et revenir dans le présent avant de saisir son Motismart. Elle avait un faible espoir de capter ne serait-ce qu’une once de réseau pour contacter de potentiels renforts… sans succès. Pendant que les Pokémons échangeaient entre eux, elle réfléchissait. S’aventurer en terrain dangereux et imprévisible sans plan B était risqué, s’ils leur arrivaient quelque chose, s’ils se retrouvaient enfermés sous terre dans l’incapacité de sortir sans risquer de s’enterrer vivant…

Elle attrapa deux Pokéballs à sa ceinture avant de les lancer pour en faire sortir Adhartan et Bumbleby. Le Farfaduvet s’étira de toute sa hauteur alors qu’il flottait dans les airs, son coton plus léger que jamais avec un soleil pareil. Le Rubombelle fit un peu la moue en voyant le désert à perte de vue avec à peine quelques plantes endémiques qui lui semblait bien triste. C’était les risques du métier, il ne pouvait pas toujours se balader dans des lieux verdoyants.

“Rendez vous à Oblaide” commença-t-elle en écrivant rapidement dans son carnet de dessin pour y écrire quelques notes “Donnez ça aux autorités locales, que quelqu’un sache où on est. Veillez bien l’un sur l’autre sur la route okay ?”

Les deux fées échangèrent un regard entendu et Adhartan mima un garde-à-vous exagéré tandis que Bee hocha la tête plus humblement. Le premier salua les têtes inconnues d’un geste de la patte, l’autre fit une révérence gracieuse, avant de tout deux prendre la route par les airs, avec la feuille de papier pliée dans les pattes. Ils devraient pouvoir faire vite, si les courants d’air chaud n’étaient pas en leur faveur ils pourraient créer les leurs.

Ralsen reporta son attention sur le groupe de Pokémon pour écouter la conclusion à laquelle ils étaient venus.

Lucario – Je perçois une présence humaine en profondeur, sous le plateau. Quelqu’un d’assez paniqué. J’ai vu quelques entrées dans ces grandes ruines. Avec un peu de chance, c’est lui.
SALIZYR – Parfait, on y va.

Salizyr était chaud, pas de temps à perdre, la piste de la Lucario était sérieuse. Cependant Dribeü avait pris la parole et Salizyr ne voulait pas l’ignorer ; il fut cependant doublé par la Lucario qui enchaîna rapidement :

Lucario – Qu’est-ce que tu as vu ?

Le regard des deux Pokémons se posèrent sur Dribeü. Ce dernier prit une grande inspiration, faisant rouler du sable à la surface de sa peau jusque dans le tunnel lui servant de bouche.

DRIBEÜ – Par endroits le sable était un peu compacté, comme si quelqu’un venait de passer. Les empreintes avaient été balayées par le sable en surface, mais juste en-dessous, le sable était plus dense, il venait d’être écrasé par les pas de quelqu’un.
SALIZYR – Et ça menait où ?
DRIBEÜ – Je n’ai pas eu le temps de suivre la piste, Lucario nous a envoyé le signal. Et puis ce n’est peut-être même pas notre cible.
SALIZYR – Lucario non plus n’est pas certaine que c’est notre cible qu’elle a détectée, pour autant toute piste est bonne à prendre. Merci, Dribeü, beau boulot.

Dribeü sourit, ayant peine à dissimuler un brin de fierté.

De son côté, Ralsen, sans pouvoir comprendre le dialogue entre les trois Pokémons, pensait à autre chose. Elle fit sortir deux Pokémons de leur pokeball : un Farfaduvet et un Bombydou. Elle leur confia un message écrit à apporter aux autorités locales d’Oblaide. Le but : que quelqu’un sache où ils étaient. Avait-elle peur de ne pas pouvoir sortir des ruines ? Si leur groupe venait à y rester piégé, alors le fuyard d’Abyss également.

Salizyr lui aussi écrivit un message, sur son carnet, sauf qu’il ne fut pas destiné à la ville d’Oblaide, mais à Ralsen elle-même. Avec moins de doigts et de dextérité qu’un Humain, son écriture était pour ainsi dire assez moche, mais Salizyr ne comptait pas prendre de cours de calligraphie ; c’était déjà très bien que Raphaël eût réussi par le passé à lui apprendre à écrire, et que Salizyr eût par la suite pris la peine de s’entraîner assez régulièrement pour perfectionner son orthographe à défaut de son style.

“Lucario détecte Humain assez paniqué en profondeur.”

Et soudain il réalisa que Ralsen s’était présentée, pendant qu’ils étaient dans les airs et qu’il n’avait donc pas pu lui répondre par écrit. Il rajouta donc une flèche sur la page de son carnet, pointant vers lui-même, et écrivit son nom : “SALIZYR”.

Le QG du STERN se situait dans la ville de Port Sableye, en bordure de ce vaste désert, ainsi ils devaient sans doute mieux connnaître cette région que la plupart des habitants de Maïlys. Le STERN comptait peut-être parmi eux des explorateurs, qui avaient rendu compte sur plusieurs de ces grandes ruines émergeant du désert. Salizyr n’en savait rien, à vrai dire, mais c’était une possibilité, aussi, sachant que Ralsen était membre du STERN, lui écrivit-il un nouveau message :

“Quel danger dans ces ruines ? Possible d’y rester enfermé ?”