Retrouvailles d'outre-tombe [Amélia] [Meilleurrpdumonde] [Terminé]

Alors que le jeune homme s’installait en face du bureau de la détective, cette dernière ne pu s’empêcher d’adresser un petit coup d’oeil fier et satisfait à sa plante d’intérieur. Elle avait remarqué le petit effet qu’avait suscité la plante, les regards qui s’étaient attardés sur les modestes cailloux qui habillaient la terre de son pot… Ça c’était une plante sur qui elle pouvait compter, ça ne faisait aucun doute. Le jeune dresseur avait certes à ses cotés le lutin du temps protecteur des forets, mais elle aussi avait un être de cellulose et de chlorophylle sur qui elle pouvait compter.
—Ficus à jamais dans nos petits coeurs—

Alors que le dresseur et la détective entamaient dans le plus grand des calme leur conversation, Charles était quand à lui parti bouder un peu plus loin, sur le canapé. Le trajet passé dans sa pokéball n’avait que peu amoindri la frustration provoquée par le sabotage de son journal et il était décidé à le faire savoir. Non pas que la baronne y accorderait la moindre attention, il le savait pertinemment, plus on essayait d’attirer son attention et moins ça marchait la plupart du temps. Mais il avait décidé de se plaindre et de faire du boudin jusqu’à nouvel ordre et il ne s’en priverait pas. Entendant distinctement un pas lourd résonner à l’étage, il envoya modérément son os vers le plafond et le rattrapa non sans quitter le plancher des yeux et re-croisant les bras une fois l’opération terminée. Le but de la manoeuvre ne consistait non pas à créer des cloques sur la peintures mais plutôt à faire descendre son compère, qui anticiperait sans aucun doute son humeur du moment. Le colosse ne se fit pas attendre bien longtemps mais remarquant la présence du jeune dresseur et de son fabuleux, il préféra rester non loin de l’ossatueur maussade, se penchant vers lui pour lui demander, désignant le duo d’un rapide mouvement d’index. Enfin, de l’un de ses index.

- (C’est pour une affaire ?)
- (Ouais…)
- (Et c’est ça qui met la rate au court bouillon ?)
- (Non… Elle a caviardé mon journal… J’aurais jamais la fin de l’histoire maintenant…)
- (Avec le petit, c’est pas…?)
- (Tu t’en fous de c’que j’te raconte ?)
- (Non. Mais là c’est pas…)
- (Si, c’est. Mais je vois pas le rapport.)

N’attendant pas plus d’informations, le colosse bomba son torse pourtant bien assez imposant déjà et s’avança d’un pas volontaire vers les visiteurs, s’arrêtant non loin de la chaise sur laquelle, ou au dessus, à sa convenance, nous ne sommes pas là pour juger, se tenait le farfadet. Le mackogneur était en effet d’une nature assez enthousiaste et la perspective de croiser une célébrité lui ferait sans doute sa journée. Ouvrant vers lui une de ses grosses mains tendues, il rajouta.

- (Gustave ! Ça fait rudement plaisir de voir quelqu’un comme vot’ grandeur ici ! Ah ça ouais ! Rudement plaisir !)

La baronne ne pût s’empêcher de lever un regard circonspect quoi qu’amusé vers son pokémon. Elle ne pouvait pas deviner ce qu’ils se disaient évidemment, mais l'attitude de Gustave semblait être claire. Gardant tout de même son attention tournée vers ce qui était en train de lui être exposé, elle espérait qu’il comprendrait de lui même qu’il serait préférable d’aller jouer à la dinette du coté du canapé avec Charles. Ce dernier s’était d’ailleurs rendu à l’évidence que son boudin était aussi vain qu’une définition de mot fléchés et qu’il valait mieux passer à autre chose et surveiller son camarade pour qu’il n’en fasse pas des caisses. Subrepticement, les mains de la détectives étaient venues se fermer sur son bilboquet fétiche alors que ses paupières se fronçaient légèrement, signe d’attention et de réflexion.

- Ce n’était pas il y a plus longtemps que ça le gala ? Ah… Le temps passe aussi vite qu’un Nostenfer quand on s’amuse.

Voilà une fois de plus le quatrième mur qui volait en éclats. Tortillant la ficelle de son jeu d’adresse d’un air absent tout en écoutant les dernières précisions du jeune dresseur, elle ne put s’empêcher de pincer les lèvres dans un sourire évasif et peu persuadé. Bien qu’elle eut été témoin de bien des bizarreries dans sa vie, celles qui concernaient les humains, la magie et tous ces trucs ne l’impressionnaient guère et la laissaient face à un scepticisme distant. Il n’y avait qu’à voir lors de sa visite au cimetière. Visite dont elle aurait pu se passer à posteriori. Ou dû se passer même.
—Je ne regrette rien. Sauf la limonade de tout à l’heure, elle était trop sucrée—  

Un bref silence s’installa entre les deux dresseurs, le temps que la jeune femme ne fasse le tri parmi toutes les informations qui venaient de lui être confiées. Certaines étaient connues, certaines plus amusantes qu’importantes mais quelques unes étaient entièrement inédites. Le “Sphinx” avait été une des mentions qui était souvent revenue sur les rapports, ceci dit, trop souvent encadrée de passages sous silence. Sans pistes, et avec une coopération plus que limitée de la part de la seule personne potentiellement bien placée pour la faire avancer sur cette voie, la détective s’était heurtée à plus de culs de sacs que de réponses. Elle avait un temps pensé qu’il s’agissait d’une groupuscule spéciale de la team déchue mais là, les pièces du puzzle s’alignaient plus logiquement en revenant à l’hypothèse de la simple personne masquée.

Par contre, en ce qui concernait les mésaventures de la championne, la baronne était au contraire particulièrement bien informée. Elle avait été mandatée par un précédent client pour enquêter et amasser le plus d’informations possibles sur les membres de la ligue et il était vrai que la maitresse des dragons n’avait pas eut beaucoup à faire pour attirer l’attention de l’extravagante jeune femme. Persuadée qu’elle en avait plus à cacher que ce que la championne voulait bien le laisser croire, elle était parvenue à amasser un nombre de pièces affolant, à la fin plus par amusement et provocations que par sens du devoir. Heureusement pour elle, la seule fois qu’elle s’était trouvée face à face avec l’adepte du fouet, elle avait été déguisée pour infiltrer le casino si bien que son identité demeurait protégée pour le moment.
— Déguisée en quoi ou en qui, je vous le donne en mille ?—

- Alors là je vous tirerais bien mon chapeau s’il ne s’était pas trouvé sur la banquette. Vous avez été accusé de complicité de terrorisme par la Germanni en plein match et vous n’êtes pas en train de croupir dans un donjon de je ne sais qu’elle sorte ? Pour l’avoir déjà vue, TRES, en colère ce n’est pas un exploit à prendre à la légère.

Elle accompagna sa remarque d’un petit rire amusé à l’évocation de sa propre remarque. Faisant agilement sauter la boule de son bilboquet avant de la rattraper avec l’aisance de quelqu’un qui s’est beaucoup trop amusé à ce jeu, elle poussa discrètement de son pied un tiroir mal fermé duquel sortait un morceau de perruque aux teintes d’argent. C’était de loin la plus belle colère qu’elle eut jamais déclenchée, et pourtant c’était devenu un sport qu'elle pratiquait depuis longtemps déjà.
—Ca y est ? Vous l’avez ?—


- Soyons sérieux et faisons les choses bien, au moins pendant 5 minutes. Elle fit une nouvelle fois voler le bilboquet avant de le poser devant elle. Vous m’avez l’air assez bien informés de votre coté quant à ce que vous avancez et ce que vous voulez savoir mais votre tableau souffre de zones d’ombres à restaurer. Gustave, Charles, la boite GM-516 s’il vous plait. Joignant ses doigts devant elle en un tipi manucuré elle repris. Habituellement, c’est là que je commence à monnayer les informations que je suis en mesure de fournir et, sans offense aucune, je doute que vous puissiez vous offrir mes services en numéraire. Ceci dit, je veux bien sacrifier le coté lucratif de mon activité en échange d’informations, ou plus exactement d’un service.

Lançant un bref coup d’oeil au pokémon fabuleux, elle reporta bien vite son attention sur son partenaire qui aurait sans doute compris l’insinuation qu’elle venait de déposer sur l’esprit de ses interlocuteurs. Ses pokémons revinrent bientôt avec une boite en carton semblant garnie qu’ils déposèrent sur le bureau, à porté des mains de leur patronne. Cette dernière commença à en sortir des chemises cartonnées aussi boudinées que des rosbifs tout en reprenant la parole, son petit sourire satisfait ne quittant pas son visage.

- En l’espèce, j’ai beaucoup d’éléments à offrir sans même avoir à vous faire attendre. Elle posa une main en chapiteau sur une pile de dossiers. Ça c’est l’organisation du gala par exemple. Sur une autre. Ça ce sont les invités et les invitations, alors que ça ce sont les personnes “non” invitées… Nous avons de quoi faire, et la seule chose qui nous empêche de commencer est la présence de votre signature sur l’un de mes contrats. Passant d’un sujet à un autre avec une aisance et une légèreté presque inappropriée, elle s’enquit. Où est votre oncle, non, grand-oncle justement ?

Une question qui avait son importance, sachant que la pochette de la demoiselle venait de choir, tant une de ses pokeball vibrait à l’intérieur. Une chose était certaine, son occupante avait très envie de sortir et elle comptait bien s’y faire aider d’une manière ou d’une autre.

Gustave était aux anges à l’idée d’avoir pu échanger quelques mots avec un fabuleux. Ce n’était pas tout les jours que ce genre de choses étaient susceptibles d’arriver, et pas à n’importe qui non plus ! Heureusement, il travaillait avec La Baronne, elle non plus c’était pas n’importe qui, il en la preuve une fois encore. Si le regard inquisiteur de sa patronne ne s’était pas fait sentir, nul doute que le colosse aurait continué son entame de discussion, assurant les futurs clients que peu importait la situation, s’ils étaient ici c’est qu’elle était sur le point de s’améliorer. Le tout accompagné d’une amicale mais néanmoins musclée tape dans le dos ou sur l’épaule. Mais heureusement pour les relations diplomatiques qui régnaient à l’heure actuelle, il n’en fit rien et alla chercher le carton que lui indiquerait son compère, rayonnant toujours de contentement.

- (Ah ben ça ! Tu te rend comptes Charlie ? Il connait mon prénom maintenant ! Ho ho ho et toi qui pensais que tous les légendaires avaient un balais dans le…)
- (C’EST BON GUS ! Pas de salades, va chopper le carton tu veux ?)

Un petit sourire en coin et l’oeil brillant de malice, le culturiste adressa une oeillade complice à la baronne avant de partir vers la salle des dossiers. Bien que cette dernière ne put pas comprendre ce qui se passait exactement, elle avait l’habitude de ce regard et ne pu s’empêcher de ricaner avec de retourner à ses affaires. Sous son air parfois un peu bêta, il faisait preuve d’une certaine espièglerie quand il en avait envie.
—C’est à croire que ses fréquentations déteignent sur lui—

Concernant la détective, elle ne put réprimer un sourire en découvrant qu’une séance de marchandage s’annonçait, vu la perplexité qui se lisait dans le ton du farfadet mais comble de surprise, l’interruption de son dresseur ne manqua pas de faire pétiller le regard de la jeune femme, resplendissante de satisfaction pendant quelques fugaces secondes. Elle glissa à portée de la main du jeune homme une feuille de contrat type, sans fioritures ni détails précisant la routine habituelle et nécessaire pour qu’elle puisse faire son job comme il se devait. En voyant l’air presque résigné du petit génie de la forêt, elle lui adressa un sourire plus large encore tout en hochant à deux reprises les sourcils d’un air ravi et plein de sous-entendus. Elle savait exactement ce dont elle avait besoin mais aurait cependant la décence de n’en discuter que lorsque son travail aurait été accompli.

Son expression se ternit quelque peut au moment où un vague élan de panique envahit le cabinet pourtant peu remplit. Le jeune homme venait de se rendre compte que son spectrum manquait, comme avait pu le remarquer la jeune femme qui avait tenté d’ignorer les caricatures auquel il se livrait depuis un certain temps. Ceci étant, le ton de la gamme changea plus clairement lorsque Charles s’exclama sévèrement et précipitamment, pointant du doigt ou plus précisément de l’os, le méfait qui était en train d’être accompli. Que l’ancien médium fouille dans les tiroirs et joue les bouffons de la cour, elle n’allait pas l’en blâmer plus que cela, elle même avait un certain faible pour les tiroirs bien garnis qui ne lui appartenaient pas, il fallait l’avouer. Mais qu’il libère la dernière créature dont la baronne avait envie d’entendre parler, surtout en ce moment, c’était une autre histoire. En entendant l’interpellation de l’ossatueur, un bruit de bousculade maladroite se fit entendre dans les escaliers desquels surgirent peu de temps plus tard l’absol et le démolosse de la jeune femme. Gustave s’était quant à lui avancé vers le coin d où s’était réfugié le spectre après son délit l’air soudain moins débonnaire. Pinçant l’arrête de son nez dans un soupir las, la détective se leva et écarta les bras en lançant.

- Temps mort ! Tout le monde se calme ! Pointant son index inquisiteur vers son voleur elle repris, d’un ton qui laissait tout de même deviner qu’elle n’y croyait pas vraiment. Je ne ferais pas ça si j’étais toi… Et c’est trop tard il l’a fait… Tant pis, tout le monde retourne à ses occupations maintenant. Marlène, je te laisse la gérer.

Se rasseyant dans son fauteuil, elle ouvrit un tiroir et comme si de rien était et en sortit une des nombreuses runes protect qu’elle avait récupéré au cimetière peu après son expédition. Elle la tendit vers le jeune homme pendant que l’absol gratifiait la feuforêve fraichement sortie d’un regard noir.

- Ca, c’est un cadeau, il se peut que vous en ayez besoin dans les minutes à venir. J’ai découvert il y a pas longtemps que mon absol pouvait jeter regard noir, c’est dingue non ? Enfin peut être pas pour un dresseur mais moi les combats, c’est pas mon trip donc acceptons que ce soit dingue. Vous vous serez sans doute demandé comment j’avais pu deviner que votre spectre était une réincarnation ? En voilà la raison… Ne faites surtout pas confiance à cette fourbe c’est une vraie teigne, c’est pour ça que je fais en sorte que Marlène ne la quitte pas des yeux et qu’elle ne puisse pas prendre la poudre d’escampette. Je peux ravoir sa pokéball maintenant ?

Le frêle spectre qui venait de surgir dans un éclat argenté regarda quelques secondes autour de lui, l’air serein et peu amène au fait qu’il s’agissait là de sa première sortie depuis un bon moment. Jetant un regard mauvais à ce qui aurait dû être considéré comme sa coéquipière, elle n’adressa pas la moindre attention au visiteur, ni à son fabuleux ou ni même encore à tous les autres mâles de la pièce. Elle se contentât d’un simple coup d’oeil plein de dédain et de mépris à l’entente du mot teigne prononcé par sa propriétaire. Puis agitant sa chevelure écarlate qui virevoltait à la manière de mèches dans une piscine, comme si une main invisible venait de passer les soulever, elle tourna ses traits fins vers le spectrum en face d’elle, le détailla et sembla se détendre, ce qui ne présageait rien de bon. Non effectivement, ce n’était pas n’importe quel fantôme.

- (Cela faisait longtemps… Sphinx.)

Les vraies discutions étaient sur le point de commencer.
—Occupons nous des vraies priorités, qui c’est ce Harry sinon une bonne fois pour toute ?—

Voilà bien quel était le problème avec les capacités et les subtilités de combat pokémon, il y avait toujours des modalités supplémentaires voulant que ça, ça fonctionne sur untel mais pas sur truc qui est immunisé à machin et ainsi de suite. La Baronne avait certes une mémoire quasi-infaillible mais, elle était malheureusement assortie d’une contrepartie, il fallait qu’elle ait envie de se rappeler des choses pour quelles lui reviennent. Et depuis qu’elle avait grandit, les combats avaient très largement perdu de leur attrait dans son estime aussi, c’était à peine si elle s’intéressait aux move-pool de ses propres équipiers alors de là à savoir ce qu’ils étaient susceptibles d’affecter. Nan c’était trop tordu et complexe pour l’intéresser, alors que stalker des gens, amasser des centaines d’informations sur eux, jongler avec les limites de la légalité et revendre ces informations à prix d’or, ça c’était d’une logique à couper le souffle évidement.
—Je ressens comme une pointe d’ironie là ou je rêve ?—

- Bien entendu… Mais bon vous savez, la science, les théories actuelles, tout cela est faux jusqu’à être prouvé juste. Donc imaginez, immunité, immunité, et là CETTE FOIS ça marche ! Ce serait excessivement pratique et révolutionnaire comme découverte. Oui, c’est ça je travaille au quotidien pour faire avancer la science, inutile de me remercier c’est juste qu’il faut que j’extériorise l’altruisme qui m’habite sinon, il y en a trop qui s’accumule en moi et c’est mauvais vous comprenez ?

Quelle belle tirade, tant d’hypocrisie d’un coup d’un seul, s’en était presque émouvant. Bientôt allait venir sa thèse sur l’utilisation des cases dans les mots fléchés et la ségrégation des mots communs face à l’élite littéraire des définitions superflues. La jeune femme aurait sans doute pu continuer son manège pendant un certain temps si le lutin télépathe n’avait pas partagé sa surprise à ses oreilles ou plutôt, à son esprit. Cet effet lui étant assez méconnu, elle profita de la communication par ce biais tout en se demandant si le pokémon avait lui aussi accès à ses pensées alors qu’il transmettait les siennes. Il n’y avait selon elle qu’un seul moyen d’en être certaine.
—BEEP BEEP I’M A SHEEP I SAY BEEP BEEP I’M A SHEEP ! SAY WHAT ? BEEP BEEP…—

Quelle preuve de maturité, s’en était épatant… Comment une personne pouvait raisonner de manière aussi fine et précise à certains moment et être aussi puérile à d’autres ? C’était là le secret de la baronne. Une fois son sérieux mental retrouvé, elle réalisa enfin ce que venait de leur confier célebi et ce que cela impliquait.

- Oh la garce… J’en étais sûre…

Un point s’imposait dans l’immédiat. Eris devait avoir entendu l’intervention du dresseur aussi, si bien elle que la jeune femme savaient qu’elle était libre d’aller et de venir à loisir. D’autant que le spectre du jeune homme avait toujours en sa possession la pokeball qu’il n’était pas prêt à rendre apparemment. Gustave semblait ne pas apprécier cette attitude de la part de l’invité qu’était le spectrum mais il ne bougerait sans doute pas tant qu’il n’y serait pas autorisé ou dans le pire des cas, contraint. La jeune femme savait qu’il était capable d’une attaque qui faisait lâcher prise d’un objet par l’adversaire, elle en avait déjà été témoin par le passé mais l’idée de lancer un combat en plein milieu de son bureau était vraiment la dernière chose dont elle avait envie. Eris serait sans doute facilement KO, mais qu’en était il du pokémon du jeune dresseur ? Lui semblait beaucoup plus tourné vers les combats et pour peu que son entrainement ait été bon, elle n’avait que peu de chance de battre quelqu’un comme ça. Sans parler des dégâts matériels que cela serait susceptible de causer. Il faudrait une nouvelle fois la jouer en douceur et en finesse.

L’ambiance était semblables à celles d’un western, tout le monde jetait des brefs coups d’oeil à ses voisins et la tension était plus grande que celle d’une corde de guitare sur le point de céder. Tout le monde sauf les spectres qui eux semblaient ne pas être dérangés outres mesures par les oreilles indiscrètes présentes autour d’eux. La remarque du fantôme toxique fit par ailleurs apparaitre un faible sourire condescendant sur le fin visage de la feuforêve qui répondit de sa voix suave.

- (Celle ci me revient de droit il faut dire. Qui plus est, il est connu qu’une pomme par jour éloigne les nuisibles… A condition de savoir viser).

Se doutant bien que le fabuleux était là pour les épier, la reine déchue pris grand soin de fixer celle qui se voulait être sa propriétaire en prononçant ses derniers mots. Celle ci, par l’intermédiaire du pokémon de son hôte se rendait bel et bien compte de ce qui était en train de se dérouler sous leurs yeux. Elle était là la clef du puzzle, et il serait dommage d’abandonner si près du bol de punch. Si les esprits partaient, tout était perdu. Il serait très fastidieux d’essayer d’obtenir des informations par la force, elle avait déjà tenté. La seule chose qui faisait parler Eris c’était de lui donner une impression de pouvoir et le meilleur moyen pour cela…
—Ooooh non. Non, non, non, non… Hors de question, nope—

La détective savait très bien ce que la spectre allait chercher à faire tôt ou tard, et c’était d’ailleurs ce qui la pousserait à la fuite. Elle n’avait pas eut trop de mal à saisir ce point là à force de la côtoyer. La feuforêve aimait son statut et ses pouvoirs mais pas son apparence. Quelque peu résigné, elle commença à ranger ou à sortir de ses tiroirs différentes chemises cartonnées tout en arborant son habituel air léger et oisif.

- Bon et bien il semble pour le moment il n’y ait rien d’autre à faire que d’attendre que ces deux là aient fini de papoter ! Allez en salle d’attente s’il le faut, vous serez plus à l’aise ! Fermant le verrou du tiroir dans lequel elle venait de ranger la plupart de ses dossiers, elle en retira la clef, y coinça une petite feuille et la lança vers son ossatueur. Charles ! Réflexes !

Le reptilien se saisit de l’objet au vol et le plaça sous son chapeau melon, sans vraiment comprendre ce qui était en train de se passer. Jetant un coup d’oeil à son plus proche compère, ce dernier ne put rien répondre d’autre qu’un hochement de ses quatre épaules. Lorsqu’Amélia avait une idée, il était difficile d’en découvrir toutes les modalités avant qu’elles ne se soient produites. Attrapant un post-it, la jeune femme se mit à griffonner dessus tout en reprenant la parole.

- Donc ! Nous en étions… Aux personnes suspectes pendant le Gala et à son organisation. J’ai là une tripotées de rapports pointant tous dans une même direction, apparemment ce serait un haut gradé de la team boréale qui aurait fait le coup, une tête parmi l’organisation. Avez vous déjà entendu parler d’un certain… Richard Maestro ?

D’un revers de main habile et discret, la jeune femme fit glisser le petit papier vers son invité tout en rattrapant son bilboquet pour brouiller les pistes. Elle savait son information fausse et c’est bien sur cela qu’elle comptait jouer. S'ils étaient aptes à entendre la conversation fantomatique qui s'annonçait, l'inverse était aussi vrai et elle voulait être sûre qu'Eris en saurait le moins possible et resterait persuadée de son incapacité.  Heureusement, elle ne savait pas pour le spectrum, mais comme elle s’y était attendue, sa propre réincarnation avait détourné les yeux le temps de pouffer à l’entente de l’ânerie qu’elle venait de sortir.

- (N’est ce pas là encore une preuve de la déchéance de la race des Hommes. Lancez leur une fausse piste et ils se jettent dessus comme un medhyena sur une carcasse. Pathétique petite…)

Elle fut interrompue par le lancer d’une boulette de papier qui la traversa avant d’arriver au sol. La coupable, enfoncée dans son fauteuil lui fit signe de continuer avant de refaire une boulette pour la lui lancer de nouveau. Elle espérait que pendant ce temps, le dresseur aurait lu sa note, en toute discrétion.

“J’ai peur que Celebi ne doivent nous rendre un petit service supplémentaire avant la fin de cette entrevue.”

Alors que la cinquième boulette de papier venait traverser le corps de la créature aux cheveux écarlate, cette dernière laissa entrevoir un certain sourire qui n’avait pas trouvé sa place depuis longtemps sur son visage avant de demander.

- (Un homme fortuné m’a soufflé le secret de ses… Possessions. Le connaissez vous cher Sphinx ?)

La jeune détective se doutait bien de ce que la plaie qui lui servait de pokémon avait en tête mais si tout se passait bien, elle devait avoir les moyens d’être plus fine qu’elle.
—Et un mal de crâne pour la demoiselle, un !—

Heureusement que le garçon avait deviné le manège que la détective était en train de mettre en place. En effet, la brunette se serait trouvée fort dépourvue si le dresseur avait choisi de mettre sauvagement les pieds dans le plat concernant la grossière erreur qu’elle venait de clamer. Mais bon, c’est ce qu’il y a de bien avec les gens naturellement nerveux, on se sait jamais vraiment bien quand ils simulent ou quand ils paniquent pour de bon. En le voyant entrer dans son jeu, la jeune femme en avait déduit qu’il accepterait que son pokémon lui rende un double service. Sans doute qu’il lui communiquerait la nouvelle par télépathie ou elle ne savait quel autre moyen. Le plus important était que le message passe. En parlant de message, le fabuleux semblait bien dépité et mélancolique les yeux ainsi fixés sur son partenaire, ceci étant après mure réflexion et entre deux boulettes de papier, la baronne était arrivée à la conclusion qu’il n’avait pas profité de sa formidable vérification mentale. Bien que sachant que son esprit était protégé de toute intrusion, comme avec une alarme verisure, elle ne pu s’empêcher d’être déçue à l’idée de rater l’occasion de mettre une chanson agaçante dans la tête de quelqu’un.
—Pff vous savez pas ce que vous ratez—

Si la jeune femme avait été plus tournée vers les combats, elle aurait sans doute pu se douter que quelque chose de louche était en train de se tramer. Et ça n’avait aucun rapport avec un quelconque instrument de cuisine. Mais en l’occurence, la seule chose qu’elle voyait tourner c’était ses boulettes. Le sol commençait à en être maculé et elle se demandait quand est ce que sa chère feuforêve allait enfin perdre son sang froid.
—12. Au bout de 12 boulettes, prête à parier—  

Ce qu’elle n’avait pas anticipé par contre c’était l’endormissement du lutin qui vint se poser comme tombe une feuille sur l’assise se sa chaise. Le mackogneur en voyant ça ne voila pas sa surprise et se serait volontiers avancé si le dresseur du farfadet ne s’était pas lui même manifesté avant lui. Stoppant le mouvement qui allait envoyer voler un nouveau projectile, la baronne s’avança sur sa chaise pour observer par dessus son bureau ce qui était en train de se passer. Elle eut même un vague moment de doute, se demandant si le jeune empoisonneur n’était pas en train de feindre la panique, ce qui dans ce cas là méritait un Molière, mais en considérant bien les sueurs froides qui étaient en train de perler dans la nuque du garçon, elle n’eut pas d’autre choix que de se rendre à l’évidence.
—Je range le Molière du coup ?—

- Ah… Alors ça c’était pas prévu…

L’air passablement contrariée, la baronne pinça les lèvres et jeta un coup d’oeil au duo spectral, rencontrant le regard d’Eris le temps d’une fraction de seconde. L’air faussement désolée et surprise, la détective pouvait lire dans son regard l’expression même de son contentement, ce qui ne manqua pas de lui taper sur les nerfs. Levant un sourcil, elle baissa de nouveau les yeux vers le pokémon endormi, laissa s’échapper un murmure circonspect et balança sa boulette sans même regarder sa cible. Histoire de faire bonne mesure et de ne pas gâcher. Le problème était que son plan était en marche et allait sans aucun doute se réaliser d’ici très peu de temps et surtout en très peu de temps. Ne cessant de réfléchir, elle lâcha finalement dans un soupir amusé et souriant.

- Les ravages du décalage horaire… Bon tant pis ! Elle s’adressa à son duo. Les garçons amenez le à l’étage voyons, on ne laisse pas dormir les invités sur les chaises. Sauf quand ils sont bourrés. Saleté de limonade… Bref, posez la belle au bois dormant sur le canapé ou dans le lit. Au cas où Charles, tu as le plan B en tête.

Subitement pris à parti, l’ossatueur aurait sans doute écarquillé les yeux et haussé les sourcils s’il en avait eut la possibilité. Cependant, les limites de son ossature faciale étant ce qu’elles sont, il opina du chef et fit signe à un Gustave perdu de le suivre. Ce dernier prenant délicatement l’invité dans ses gros bras, il se pencha pour chuchoter à son compère.

- (T’as compris de quoi elle parle ? Parce que je… )
- (T’occupes Gus’).

S’il y avait bien une chose que le reptilien avait appris durant toutes ses années à côtoyer sa patronne et techniquement propriétaire, c’est dans le doute, toujours agir comme s’il savait ce qu’elle lui demandait de faire. Comme elle avait l’habitude de dire, il avait tout le temps de réfléchir à ce que signifiait ses charades plus tard, hors du champ de vision des regards indiscrets. Il ne manqua pas d’ailleurs de lancer un regard mauvais aux deux spectres en partant, mal à l’aise à l’idée de les laisser sans surveillance. Quoi que, il y avait toujours Cesar et Marlene… Alors que le duo partait, la détective remarquant la détresse chez le dresseur ne put s’empêcher de pencher la tête avant de faire le tour de son bureau, posant une main réconfortante sur l’épaule du jeune homme dans un sourire doux.

- Ne vous inquiétez surtout pas, ce n’est qu’un léger contre-temps. Maintenant il s’agit de respirer un bon coup et de reprendre là où nous en étions.

Un pur acte de bonté, un spectacle à couper le souffle. Ou pas. Non en réalité la jeune femme avait juste mis à contribution ses talents de pickpocket pour venir récupérer la rune confiée au garçons quelques minutes plus tôt.
—Et il est pour qui le Molière alors ?—  

L’air toujours plus satisfaite le temps passant, de son coté l’apparition aux cheveux écarlates afficha un air soulagé et mesquin à l’égard de son homologue.

- (Oui bien mieux, je vous en remercie. Jamais je n’ai supporté la présence de vermine épiant mes faits et gestes. Son air se renfrogna et se fit plus condescendant. Vantez vous de vos pouvoirs, je ne peux utiliser les miens comme je l’aimerais. Cet ersatz de fin de lignée ne m’a jamais accordé sa confiance et ne me laisse pas m’épanouir comme j’y suis appelée.)


Le problème avec ces conversations, c’était que la baronne n’y comprenait absolument rien et ça, ça avait le don de l’ennuyer. Trouvant le parfait emploi pour la rune de papier qu’elle venait de subtiliser, elle ne manqua pas de la rouler en boule avec la plus grande minutie du monde avant de la balancer comme elle l’avait fait avec toutes les autres. Sauf qu’en l’espèce, comble du comique, la sphère de papier vint rebondir sur la chevelure écarlate avant de s’écraser au sol ce qui ne manqua pas de faire pouffer bruyamment son expéditrice. C’était enfin la goutte de trop. Jetant un oeil à la pochette toujours négligemment étalée au sol, la réincarnation tenta le tout pour le tout et fonça droit sur sa propriétaire qui ne pu réprimer un hoquet de surprise avant de tomber mollement au sol comme une poupée de chiffon maltraitée. Se relevant quelques secondes plus tard, elle papillonna des paupières, ses iris auparavant noisettes et rieurs devenus d’un framboise vif et perturbant. Bien que physiquement inchangée, elle arborait un air et un porté singulièrement différent. Un air qui ne manquerait pas de parler au spectrum. Les deux pokémon’s encore présents restés figés de stupeur, ne sachant pas comment réagir. La voix de la jeune femme en revanche était méconnaissable, il ne s'agissait plus de la sienne mais de celle qu'eut jadis une certaine personne.

- Voilà bien la preuve qu’elle est plus bête encore que ce à quoi je m’attendais. Quel comble que Celebi nous ai quitté, nous étions sur le point de… rattraper le temps perdu si j’ose dire. Posant ses iris froids sur le dresseur elle rajouta. Et j’ai peur que cela ne te concerne pas.

Il restait à espérer que tout soit toujours sous contrôle. Mais sous le contrôle de qui ?

Voilà qu’était enfin arrivé le moment qu’elle attendait tant. Elle avait dû patienter pour en arriver là, étudiant chacune des opportunités qui s’étaient présentées à elle par le passé, attendant son heure comme un tigre attend la sienne. Un bien beau félin envers lequel il ne faut jamais accorder sa confiance, pour peu qu’il ne vous déchiquète après que vous lui ayez prêté le flanc. Oui la spectre s’associait bien à ce dont ces félins étaient capable par soif de liberté, elle venait d’y parvenir. Il avait suffit d’une fois, un seul moment d’inattention pendant lequel la détective avait abandonné sa protection pour lui laisser le contrôle. A présent elle serait apte à faire bien plus que ce qu’elle avait fait auparavant. Esquissant un rictus condescendant à l’entente de la remarque du spectre, elle baissa les yeux et observa les mains soignées dont elle avait à présent le contrôle. La revenante n’avait jamais plié face à la flatterie mais elle devait avouer que son ancien gradé n’avait pas tort. Ainsi affublée, elle serait apte à faire des merveilles.

La panique du jeune dresseur était si délectable à voir, à ressentir. Bien qu’elle était en position d’une nouvelle enveloppe charnelle, son instinct et ses besoins de feuforêve ne s’étaient pas tus pour autant. Ressentir une telle dose de peur ne fit qu’amplifier son énergie, décupler son pouvoir et alimenter sa plénitude. Laissant s’échapper le petit rire cristallin dont elle seule avait le secret, elle le gratifia d’un sourire méprisant, se régalant de son incompréhension avant de lui assener le coup de grâce.

- Alors tu n’as toujours pas compris ? Quelle déception. Il m’a été donné de porter bien des noms, mais je pense que celui d’Eris ne te sera pas inconnu.

Après tout le mal que s’étaient donnés les deux jeunes gens pour la trouver, voilà qu’il n’était même pas capable de la reconnaitre. Lamentable. Peu lui importait cependant, le choc qu’il avait dû ressentir eut à peine le temps de l’assommer que son propre pokémon se retournait contre lui et entrait en possession de son corps. Cet après-midi prenait décidément un tournant plus qu’appréciable. Amusée par la formule usée par son homologue la jeune femme s’avança vers la fenêtre du bureau, sentant malgré tout que le moindre de ses faits et gestes était épié par les pokémons encore présents. S’avançant délibérément vers le démolosse, un sourire noir aux lèvres, bien différent de celui que la détective avait l’habitude d’arborer, elle avança la main vers lui en attendant qu’il grogne et montre les crocs.

- Irait tu blesser ton propre maitre corniaud ? Les légendes racontent que la morsure de l’un des tiens inflige une douleur qui jamais ne s’en va. Je serais curieuse d’en faire l’expérience. Après tout, cette coquille n’est pour moi que temporaire, qu’en penses tu ?

La haine dans le regard du chien en devenait presque palpable. Poussant un nouveau grognement guttural il se contenta de reculer pour se poster un peu plus loin, la contrariété et la colère déformant ses traits. L’absol quand à elle, n’avait pas bougé et se contentait seulement de suivre des yeux ce qui était en train de se passer. Sentant son invité pensif, la jeune femme se tourna de nouveau vers lui lui demandant.

- Auriez vous une de ces délicieuses idées dont vous avez le secret ? Se tournant de nouveau vers l’agitation citadine qui fourmillait plusieurs mètres en contrebas. Les mortels… De si futiles créatures dont l’existence ne tient qu’à un fil. Il suffirait de le couper pour que cet ordre précaire ne sombre dans le chaos. Un glorieux et somptueux chaos.

Ce dont la reine déchue ne se doutait pas, c’était qu’au dessus, dans le plus grand silence et la plus habile discrétion s’organisait une résistance comme Kalos en a le secret. Les deux compères qui étaient sensés surveiller le fabuleux semblaient bien content qu’on les ait oubliés. Ils avaient chaussés des patins de courtoisie, ceux du style que l’on met pour ne pas gâcher le cirage d’un parquet, et glissaient avec plus ou moins d’adresse pour ne pas se faire entendre. Une fois enfermé dans la chambre de la détective, ils installèrent le lutin sur le lit bien ordonné et le reptilien à chapeau chuchota à son collègue.

- (Bon va y Gus, fait ton truc là.)
- (Mon truc ?)
- (CHUUUT… Pas si fort… Mais si, ton truc)

Il mima des baffes données dans le vide, ce à quoi le colosse répondit en secouant vivement la tête.

- (Ca va pas non ? Je vais quand même pas taper sur un pokémon comme Célébi ?)
- (Ouais, t’as raison Gus, tu vas pas le réveiller… Et si on avait plutôt leur proposer un café en bas ? OU DE NOUS TRUCIDER ?)
- (Bon bon bon ça va, t’énerve pas Charlie… Désolé vot’ grâce…)

Effectuant le réveil forcé le plus modéré qu’on ait jamais vu et ce le plus discrètement possible, le colosse ferma les yeux de gêne de se comporter de la sorte, tout en espérant que ça marche. Pendant ce temps, l’Ossatueur avait retiré son chapeau pour récupérer les clefs du bureau et le mot qui avait été glissé entre les branches de l’anneau de métal qui les retenaient entre elles. C’était manuscrit, petit et bien qu’il sache lire, le reptilien avait un rythme assez lent.

- (Pre… Nez… La Ru…Ne… Dans Le… J’arrive pas à lire ce qu’elle a marqué c’est pas vrai… Ah si. Cabinet à pagne ? Ah non Champagne. Laissez les com… Compoter… Comploter, pardon, pendant 5 min… C’est quoi des min ?)
- (Minutes Charlie !)
- (Quoi minute ?)
- (Ben...C’est des minutes les min je crois. 5 minutes.)
- (Comment tu sais ça toi ?… Peu importe. Donc j’en étais : laissez les comploter 5 minutes et après, collez…moi la rune… sur… le front.)

Comme quoi, elle pensait vraiment à tout cette baronne.

Il était temps de se charger des véritables priorités à présent, la porte n’ayant techniquement jamais été ouverte jusqu’à présent et les rues étant, techniquement toujours paisibles et bourdonnantes d’activité. La reine déchue se trouvait là, face à son interlocuteur, silencieuse en attendant de découvrir quel nouveau grain de démence avait germé dans l’esprit de son ancien gradé. Il était amusant de penser qu’une personne aussi intolérante, calculatrice et froide s’était accommodée si facilement des facéties du voyant et les supportait toujours aussi bien. Elle qui vouait une haine sans borne pour le sexe masculin avait choisi de son plein gré un homme, cet pour la représenter par le passé et comble de la situation, si c’était à refaire son choix serait le même. Plantant son regard dans celui que le Sphinx possédait, elle envisagea la possibilité imagée par ce dernier. Parvenir à atteindre son but pour ensuite en voir les lauriers dérobés sous ses yeux était une humiliation pire que tout ce qu’elle avait pu endurer jusqu’à présent. Le maitre de Célébi n’était pourtant autre que le neveu et maitre du spectrum, aussi les différentes pièces du puzzle ne s’alignèrent pas dans le bon sens dans l’esprit de la déesse du chaos.

- Insinuez vous que votre jeune dresseur pourrait devenir, sur le long terme, une menace pour nos projets ? Ou au contraire que les pouvoir de votre fabuleux petit camarade sauraient nous être d’une utilité ? Entre vous et moi, vous m’accorderez sans doute la remarque selon laquelle votre neveu n’est pas de l’espèce de ceux qui sont aptes à canaliser ce genre de pouvoir. Pourtant vous savez l’importance que j’accorde à la “famille”.

Ce dernier mot avait été craché comme une insulte de la part de l’ancienne rousse. Si ça n’avait pas été pour l’incompétente qui lui servait de jumelle, elle ne serait sans doute pas dans cette situation à l’heure qu’il était. Elle avait goûté à la puissance, au pouvoir, à la force de la destruction amenée par un claquement de doigts mais tout cela avait été saboté par péché de naïveté et d’incompétence. Quel gâchis. La reine noire reporta ses iris framboises vers le jeune homme qui continuait à divulguer la suite de ses plans. Le voyant repartir dans un de ses délires mimétiques, elle ne fit qu’esquisser un semblant de rictus passablement amusé ce qui, dans son cas et au grand jour, revenait à embrasser l’insanité du médium voir même à l’encourager. Outre cette imitation, la jeune femme se voyait rassurée d’une part de voir que les idées de l’ancien sphinx étaient toujours claires mais aussi, qu’il ne se reposait pas sur une solution de facilité aussi banale que bancale.

En effet user des dons de célébi aurait pu être aisé connaissant la proximité à laquelle il se trouvait du légendaire. Seulement l’étoffe que constituait le temps était plus fragile encore que celle qui maintenait l’ordre parmi les hommes et personne ne pouvait savoir quelles seraient les conséquences de son déchirement. Certes l’une des possibilités pouvait mener au chaos tant espéré mais à quoi bon semer un chaos éphémère auquel elle ne pourrait assister. Non, jouer avec le temps ne serait pas une solution mais que restait il dans ce cas ? Le secret de cette entreprise résiderait dans la résistance que les deux têtes pensantes opposeraient à la démesure, c’était là la clef du succès pour la jeune défunte. Jouant de nouveau avec les cheveux qui n’étaient pas les siens, elle répondit.

- Un pouvoir démesuré serait certes nécessaire, mais lequel ? Nous avons bien vu le sort réservé aux entreprises qui se sont appuyées sur le soutient de légendaires trop puissants pour ce monde. Il m’est hors de question de me heurter à une nouvelle débâcle causée par des facteurs humains. En nous y prenant suffisamment finement, des intellects tels que les nôtres combinés à un pouvoir suffisant sans être exagérément grand suffiraient amplement à obtenir le résultat tant convoité.

L’impératrice fantôme tiqua a la proposition de son homologue, son rictus s’élargissant dans une expression sinistre.

- Mon cher, j’ai bien peur que vous ne soyez vraiment fou. Mais il n’existe pas de génie sans folie n’est ce pas ? Continuez je suis toute ouïe.

Le médium parla ainsi d’un homme voulant s’approprier le chaos que les deux réincarnés se donnaient tant de mal à invoquer. Sans doute s’agissait-il s’un scientifique s’il possédait les moyens de se l’approprier ou de localiser le génie spatio-temporel. Posant la main machinalement sur son épaule d’un geste gracieux, la jeune femme regretta sa chère ombrelle, disparue depuis son décès.

- Vos dons m’étonneront toujours. Cet esprit aura bien le mérite des connaissances, nous avons le savoir. Nous n’auront aucun mal à neutraliser un de ces patins maladroit tout savant puisse t’il être. Qui plus est, concernant les recherches à mener, un tel individu ne pourrait passer inaperçu aux yeux les plus perçants. Se camoufler dans la vie de tous les jours est un fait, seulement pratiquer des expériences dans un but si noble que la canalisation de la discorde primordiale ne peut se faire sans laisser de traces. La pathétique créature me servant d’hôtesse, si j’ose l’appeler ainsi, possède suffisamment de défauts pour que je ne puisse avoir la force de les énumérer, mais je dois avouer qu’une pareille chienne n’a pas son pareille lorsqu’il s’agit de creuser dans la fange. Il suffira de lui lancer un os à ronger pour qu’elle se jette dessus, vous pouvez me croire. Nous ne tarderons pas à obtenir ce que nous cherchons.

Cette remarque fut ponctuée d’un rire cruel et délicat qui ne manqua pas de raisonner comme des notes de musique dans le bureau de la baronne. Dans la pièce de l’étage supérieur, les affaires allaient plutôt bon train sachant que le fabuleux était maintenant réveillé et que l’objectif de la mission s’était précisé. A l’entente de la voix psychique, le mackogneur se tourna vers son comparse, lui faisant remarquer.

- Tu vois qu’il se rappelle de mon nom !
- Super Gus, mais on a d’autres priorités maintenant… Faut qu’on arrive à se faufiler sans bruit jusqu’au cabinet et… !!

La phrase fut interrompue par un sursaut qui manqua faire lâcher son os au reptilien. Ce dernier qui s’était tourné tout en parlant s’était retrouvé nez à nez face à l’absol de leur patronne, spécialiste de l’apparition et de la disparition furtive. L’ossatueur, vexé d’avoir ainsi sursauté grommela un peu en replaçant son chapeau et rajouta en reniflant.

- T’es là d’puis longtemps ? Il n’attendit pas la réponse sachant qu’elle n’arriverait sans doute pas et rajouta. Tu veux pas aller ouvrir le cabinet et récupérer c’qui a d’dans par hasard ?

La lady silencieuse fixa son camarade quelques instants avant de faire demi-tour, sortant de la chambre sans demander son reste. C’était dans sa nature d’être ainsi mystérieuse et muette mais dans une pareille situation, c’était plus pénible qu’autre chose. Ne sachant pas ce qui allait se passer, il se racla discrètement la gorge, adressa un coup d’oeil au farfadet qui feignait le sommeil et repris.

- Bon je disais… Faut qu’on file discretos, déjà récupérer la rune va pas être de la tarte, mais la lui coller sur le front, voilà. Moi je suis pas assez grand pour l’atteindre et… !! Mais arrête de faire ça bon sang ! Qu’est ce que…

Marlene était revenue dans la chambre comme elle venait de le faire sauf que cette fois, elle portait un objet dans sa bouche close. N’attendant pas de réaction supplémentaire, elle le déposa sans un son devant Charles et reparti à l’étage inférieur avec la discrétion féline qui la caractérisait, sous le regard hagard de son camarade. Ce dernier repoussa son melon de son pouce et se tourna vers son collègue qui l’air rayonnant et la prunelle rieuse lui lança.

- Bon ben ça fait ça de moins à gérer, hein Charlie !

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